Roman graphique, Delcourt, 3 tomes, 23,95 euros l’album.
Les Damnés de la Commune de Raphaël Meyssan est tout simplement magistral. C’est un véritable tour de force historique, narratif, visuel et politique.
Un tableau extrêmement vivant de l’époque
Point de départ, l’auteur part à la recherche d’un obscur communard du nom de Lavalette ayant habité son immeuble 150 ans plus tôt. À partir de cette quête, il parvient à raconter la Commune dans toute son épaisseur : tous les grands épisodes séquentiels de la période s’y trouvent, agrémentés de focus judicieux sur les débats qui traversent les camps en présence, le tout incarné à chaque étape par les trajectoires individuelles de quelques personnages bien choisis.
Un deuxième fil rouge, le récit d’une communarde, Victorine B, permet de donner à la narration un centre de gravité ancré dans l’imaginaire de ceux d’en bas, des femmes de surcroit, loin des habituels récits autour des « grands hommes » (ou des quelques femmes illustres qui purent s’imposer). En convoquant de multiples autres sources de première main, l’effet « choral » du récit dresse un tableau extrêmement vivant de l’époque, telle qu’elle se voyait elle-même. De même, en s’ancrant comme personnage enquêtant depuis son époque, l’auteur donne au récit une puissance d’actualisation incroyable : par quelques traits d’humour bien sentis ou le partage de son rapport émotionnel au Paris communard, il invite les lecteurEs à penser les chemins par lesquels l’histoire de la Commune habite encore notre monde.
Un véritable travail d’orfèvre
Formellement, son dispositif est apparemment simple, n’utiliser comme illustrations que des gravures d’époque. Là où cela devient un véritable travail d’orfèvre, c’est surtout dans le traitement visuel, dans la mise en scène de ces gravures, découpées, recadrées, réagencées en plans, « vignettées » dans un traitement graphique par lequel s’exerce le regard de l’auteur. Très cinématographique dans sa forme, le traitement visuel mobilise tout en finesse des jeux de montage qui scandent la narration et lui donne un souffle épique.
Bref, le résultat est époustouflant. On passe par toute une palette d’émotions en lisant les trois tomes. Ce livre parvient à rendre accessible l’histoire de la Commune en en mettant l’âme et la substance à la portée de chacun, là où nombre de travaux d’historiens, malgré la quantité d’informations qu’ils rapportent, la maintiennent irrémédiablement à distance. « Vive la Commune ! »
CP