Publié le Mardi 22 avril 2014 à 13h47.

Littérature : Oublier Alep

De Paola Salwan Daher, Éditions Tamgras, 2012, 11,85 euros.

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«Lorsqu’un jour, le peuple aspire à vivre, le destin se doit de répondre ». Ces vers écrits par Abou Qacem el Chebbi, devenus slogan des révolutions du monde arabe, résonnent comme un écho à ce roman. Rédigé juste avant la révolution syrienne, Oublier Alep nous fait ressentir ce désir des peuples d’exploser le carcan des régimes autoritaires. Il est animé par la voix de trois personnages, exilés et étrangers à leur terre. Abou Nouwas, un Palestinien dont les paroles s’élèvent par dessus les toits, à la recherche d’un bonheur perdu. Puis deux femmes qui se jaugent du regard à l’orée de leurs existences : Noha, une alépine venue de Paris qui se morfond dans son confort bourgeois, et Shirine, une Libanaise, éternelle révoltée. La première tente de se défaire d’un univers qui l’anéantit de jour en jour, alors que l’autre entre en guerre ouverte contre les normes patriarcales. 

Ce que l’auteure, Paola Salwan Daher, donne à lire, c’est l’expression de voix singulières du Moyen-Orient, avec une place importante accordée au féminisme. Mais il s’agit avant tout d’un féminisme à l’écoute de leurs aspirations existentielles, et non pas d’une normalisation de ce que devrait être une femme libre, comme on a tendance à le penser en France vis-à-vis des femmes du monde arabe.

De ces fragments de voix blessées se tissent la destinée d’une région dont on ne peut séparer une composante. C’est donc à l’échelle globale, et non nationale que se pense la libération des peuples du monde arabe. Lauréate du prix anticolonial cette année, Paola Salwan Daher nous rappelle qu’« on ne peut oublier Alep : il ne faut surtout pas oublier Alep, ni la Syrie, ni le Liban et la Palestine, et continuer chaque jour nos mouvements de solidarité avec ces peuples en lutte qui n’ont de cesse de s’opposer à la barbarie et à l’impérialisme de tous bords. J’espère que ce livre peut aider à garder ces peuples dans nos esprits et cœurs. »

Sellouma