Publié le Lundi 3 décembre 2012 à 17h54.

POLAR : Flétrissure, Nele Neuhaus

POLAR Flétrissure, Nele Neuhaus, traduit de l’allemand par Jacqueline Chambon,Babel noir, Actes Sud, 2012, 496 pages, 9,70 eurosDavid Goldberg, rescapé des camps nazis et figure éminente de la communauté juive de Francfort, est retrouvé assassiné un beau matin dans sa maison. Le meurtre à tout l’air d’une exécution en règle, mais qui pouvait bien en vouloir à ce point à un vieil homme de 92 ans ? Pourtant, cette image de respectabilité semble dissimuler bien des secrets. Lorsque l’autopsie démontre, en retrouvant un tatouage sur son bras, que le vieil homme a fait partie des SS dans sa jeunesse, l’affaire prend un tour explosif pour les inspecteurs Kirchhoff et von Bodenstein.Les amateurs retrouveront dans ce polar tous les ingrédients classiques qui ont fait le succès du genre : des apparences trompeuses, des intuitions fulgurantes, un scénario habilement mené, des personnages bien brossés et de nombreux cadavres, pas seulement dans les placards. Neuhaus joue habilement avec les fantômes qui continuent à hanter l’imaginaire allemand. La famille Kaltensee, modèle de dynastie industrielle, évoque la famille Quandt – propriétaire de la firme BMW – et les scandales liés à l’utilisation de main-d’œuvre déportée, à l’origine de la fortune familiale1. En contraignant les inspecteurs à fouiller dans le passé, l’enquête prend un tour politique, entremêlant SS et Stasi, magouilles politiciennes et recherche de la vérité. L’auteure nous dépeint par la même occasion la haute société de Francfort et ses familles aristocratiques, encore nostalgiques de leur Prusse aux grands châteaux et aux vastes domaines. Von Bodenstein évolue également dans ces sphères, ce qui le place à l’opposé des figures habituelles d’enquêteur alcoolo et dépressif – une variation intéressante qui marque surtout qu’à la différence du néo-polar français qui est une attaque en règle contre le système social, ses valeurs et ses règles, ce polar laisse indemne l’État et la société existante. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une plongée intéressante dans l’Allemagne contemporaine.Henri Clément1. « BMW : la famille Quandt rattrapée par son passé nazi », Libération, 22 novembre 2007