Voici le second volet des enquêtes de la commissaire Simona Tavianello, commissaire anti-mafia de renom. En vacances avec son mari dans les Alpes, elle se retrouve embarquée à son corps défendant dans une affaire locale qui semble à première vue ne pas poser beaucoup de difficultés : elle tombe par hasard, chez un apiculteur, sur le cadavre d’un ingénieur d’une multinationale de l’agroalimentaire. Mais il apparaît rapidement que l’arme du crime n’est autre que son propre pistolet de service qu’on lui a dérobé quelques heures plus tôt. Ce montage rocambolesque fait immédiatement soupçonner à la commissaire les services italiens, éminents spécialistes des coûts tordus, et donc des ramifications qui dépassent largement les acteurs locaux.S’il serait abusif de présenter ce roman comme un polar écosocialiste, il ne reste pas moins que Quadruppani met en scène les grands débats agroalimentaires contemporains et les projets les plus fous de certaines multinationales. Derrière les interrogations en cours sur l’éventuelle disparition des abeilles — et l’impact considérable que cela aurait sur la planète — l’auteur traite à la fois des questions technologiques et politiques. Il revendique clairement son inspiration auprès du collectif Pièces et main-d’œuvre sur ce qui touche au développement des nanotechnologies, et plus largement aux ambitions de prendre le contrôle lucratif d’activités aujourd’hui gratuites. En cela, et malgré le côté ultragauche de certains développements, ce polar est aussi une bonne introduction à la discussion sur le processus actuel de nouvelles enclosures, d’appropriation du vivant dans une logique de profit capitaliste. Comme son titre précédent, Quadruppani mêle — malgré quelques tics d’écriture un peu agaçants — réflexions politiques et jeux littéraires avec bonhomie, ce qui rend l’ensemble extrêmement divertissant et en fait un bon polar politique.
Henri Clément
Polar : La disparition soudaine des ouvrièresSerge Quadrupanni, Folio policier, Gallimard, 2013, 7,20 euros.