Publié le Mardi 17 décembre 2013 à 11h35.

Science : un terrain à ne pas délaisser

La science fait partie de la culture nécessaire à la compréhension de ce monde que nous voulons changer. Cette tradition du mouvement ouvrier s’est estompée, notamment au NPA. Ce dossier vise à apporter quelques éléments pour combler un oubli et susciter la réflexion.

Le rapport à la science des courants politiques et intellectuels partisans d’une remise en cause radicale du pouvoir du capital a évolué. Les « pères fondateurs » du marxisme suivaient les travaux scientifiques de leurs temps en s’efforçant de les intégrer à leur projet révolutionnaire. Certains de leurs épigones ont parfois dérivé vers un scientisme naïf à la mesure d’un optimisme historique qui débouchait sur la vision d’une humanité irrésistiblement en marche vers le progrès et le socialisme. A l’inverse, aujourd’hui, beaucoup de partisans affirmés d’une transformation sociale radicale font preuve d’une ignorance, voire d’une méfiance généralisée vis-à-vis de la science – du moins des sciences dures.

Le progrès dans les sciences existe : on sait infiniment plus de choses aujourd’hui qu’hier. Mais, hélas, les conditions nécessaires ne sont pas les conditions suffisantes : ce progrès ne coïncide pas dans cette société avec le progrès tout court. Voilà pourquoi nous voulons la changer. Changer cette société suppose qu’on la connaisse. Qu’on connaisse bien sûr ses rapports sociaux, mais aussi qu’on ait quelques idées concernant les bases matérielles sur lesquelles elle s’édifie. Ne sommes- nous pas matérialistes ?

Une forme nouvelle d’aliénation

Jusqu’à l’invention de la machine à vapeur, tous les individus comprenaient le fonctionnement des outils qu’ils utilisaient. L’électricité a changé la donne. Une forme nouvelle d’aliénation est née. La plupart des gens – y compris les intellectuels de haut niveau  – qui utilisent la télévision, le GPS ou le four à micro-ondes sont totalement incapables d’en expliquer même grossièrement le principe. Si l’on est témoin de ces « miracles », pourquoi ne pas croire en d’autres, comme la transmission de pensée ou l’astrologie qui sont tout autant merveilleuses ? Paradoxalement, donc, cette crédulité nouvelle est à mettre au « crédit » des progrès scientifiques.

Il est facile de dire que « tout est politique » et, sans connaissance de la chose, d’opiner sur les OGM, le nucléaire, le réchauffement climatique ou les pollutions. Mais alors le danger est grand d’identifier la pieuvre Monsanto à tous les OGM et à tous leurs usages possibles. Les OGM, comme la radioactivité ou les études des nanoparticules sont des conquêtes de l’esprit humain. Ce sont des découvertes qui potentiellement pourraient permettre de mieux vivre aux milliards d’individus qui peuplent la Terre en ne les obligeant pas à passer par tous les stades de développement qu’ont connus les sociétés occidentales1. 

Une société qui pourra discuter de ses choix

La Ligue des Communistes, dans les années 1840, pouvait être politiquement solidaire des ouvriers qui mettaient des sabots dans les engrenages des machines pour protester contre le chômage ou les cadences, mais elle ne pouvait pas défendre le mot d’ordre « à bas le moteur à vapeur ». Dans une société dominée par la recherche du profit maximum (ou par une bureaucratie incontrôlée), ces conquêtes de l’esprit humain peuvent aussi causer d’énormes dommages.

Il est bien joli de parler du « principe de précaution », mais le capitalisme est congénitalement incapable de penser les choix à long terme. Voilà pourquoi nous devons aujourd’hui nous opposer dans cette société fondée sur le profit à certaines utilisations des OGM ou du nucléaire. Et pour l’avenir, lutter pour l’avènement d’une société qui pourra réellement discuter des bons choix.

Ce dossier s’ouvre par un article sur le bon usage du doute, puis vient une critique du relativisme scientifique, celui qui considère que la prétention des sciences à l’objectivité est une mystification.2 Il se termine par un article sur les bons (et mauvais) usages des OGM. Il ne reflète pas les positions officielles du NPA, qui, Dieu soit loué, n’existent pas.

H. Sandor

Notes :

1 Voir par exemple le rôle du Net et des téléphones portables dans les pays pauvres.

2 Ces deux articles reprennent grosso modo une conférence donnée à l’Université d’été 2013 du NPA. Ils résument en partie le contenu d’un livre d’Hubert Krivine à paraître aux éditions Cassini, De l’atome imaginé à l’atome découvert, essai contre le relativisme scientifique.