De Angela Davis, Aden, 2016, 10 euros.
C’est le premier volume d’une anthologie de la militante et philosophe américaine, ex membre du PC, qui s’y définit comme « femme noire qui s’identifie aux luttes de la classe ouvrière ». Composé de textes, conférences et interviews inédits des années 1970 à 2013, il a comme sujet principal l’émancipation, autour du problème du viol, du système carcéral et à travers le livre Vie de Frederick Douglass, esclave américain.
Car toutes les oppressions l’interrogent. Elle montre, par exemple, les limites du mouvement contre le viol aux États-Unis qui, dans les années 1970, n’a pas pu intégrer les femmes de couleur les plus pauvres et conclut : « La violence sexuelle ne sera jamais éradiquée tant et aussi longtemps que nous n’aurons pas réussi à mettre sur pied un ensemble de transformations sociales radicales dans notre société. »
Elle dénonce aussi un système carcéral privatisé et, devenu « complexe carcéro-industriel » dont « la race et la classe, plutôt que la criminalité, sont les véritables causes de la surpopulation ».
« L’esclave et sa marche vers la liberté » est un cours de littérature donné à l’université juste avant d’être emprisonnée pour son soutien aux « Frères de Soledad » (des militants du Black Power). C’est une démonstration dialectique de ce qui conduit l’esclave à la liberté puis à la libération. À travers l’autobiographie de l’esclave Frederick Douglass – dont Angela Davis pense qu’elle est aussi importante que la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb pour les opprimés du monde entier –, elle montre que la liberté commence quand l’esclave, bien que dominé, comprend et souffre de sa domination, ce qui lui donne la force de dire non et de se rebeller, de combattre ceux, dont les partisans de la religion, qui lui disent de s’admettre comme esclave, c’est-à-dire de se nier comme être humain. Et par la même occasion, on découvre que l’esclave, le non-humain, est précisément le dompteur d’esclaves, transformé en un être abêti et inhumain pour priver l’esclave de sa liberté. Un extraordinaire plaidoyer pour l’émancipation !
Le livre se termine par une interview où elle réalise combien le monde a reculé depuis ces luttes des années 1970, mais combien aussi la classe ouvrière est plus diverse, et à quel point « de nombreuses questions, comme les droits reproductifs, l’égalité des salaires, le harcèlement sexuel, etc., qui étaient historiquement considérées comme de "stricts problèmes de femmes", dans les nouvelles conditions actuelles, devaient être reconnus comme les problèmes de la classe ouvrière ». Des écrits libérateurs.
Mónica Casanova