Hans Herbert Grimm, Presses de la cité, 2014, 21 euros.
Un livre pacifiste victime des autodafés nazis... Emil Schulz alias Schlump tient son surnom d’un gardien qui le surprend en train de tirer sur des pigeons et l’affuble du sobriquet prémonitoire de Schlump (tireur à la manque). Engagé volontaire dans la Première Guerre mondiale, il part la fleur au fusil, en fanfare et avec un bel uniforme. Sachant parler français, il est désigné à un poste administratif. Mais un jour, un chefaillon lui annonce qu’il est relevé de ces fonctions et qu’il est envoyé au combat. Il découvre bien sûr l’âpreté des combats, mais aussi la dureté de la vie au front : manque de confort, de nourriture et de sommeil. Il apprend combien le sort des officiers diffère de celui des sans-grades.
Loin des combats héroïques et des descriptions crues des œuvres de l’époque, sans non plus remonter aux racines de cette boucherie, Schlump dépeint la guerre avec lucidité et souvent avec drôlerie. Son livre n’a pas connus le succès de à l’ouest rien de nouveau de Erich Maria Remarque, mais il n’en a pas moins été condamné et brûlé par les Nazis pour son pacifisme. On comprend que Hans Herbert Grimm l’ait publié sous pseudonyme, puis en ait emmuré des exemplaires pour le préserver de la destruction. L’auteur, professeur d’allemand et de français, a même adhéré au parti nazi pour garder son poste. Resté à l’est dans sa ville d’Altenburg, cela lui a valu la révocation à la libération. Réhabilité, il devint metteur en scène au théâtre local. Convoqué par la police politique à l’été 1950, il se suicide deux jours plus tard.
Fort oublié, son livre n’a été réédité qu’il y a deux ans et vaut la peine d’être lu.
Anthony Bobo