Publié le Lundi 13 mai 2013 à 10h18.

"Un printemps très chaud" de Sahar Khalifa

Romancière internationalement reconnue, Sahar Khalifa s’est consacrée à travers ses romans à écrire la chronique des combats du peuple palestinien pour la reconnaissance de ses droits et sa liberté. Un printemps très chaud se déploie dans le contexte de la seconde Intifada, en s’attachant au destin de deux frères palestiniens coincés dans cette étroite bande de terre. Entre Ramallah et Naplouse, ils devront faire le deuil de leurs rêves et l’apprentissage de la violence coloniale. 

Réflexion politique et artistique, ce superbe roman s’interroge à la fois sur les conditions de la lutte comme sur le rôle de l’art et de la rêverie. Le roman nous introduit au cœur des événements, s’attache à nous les faire revivre – tels le siège de la Muqqata, la résidence de Yasser Arafat, ou encore la mort d’une militante britannique sous les chenilles d’un bulldozer –, pour combattre l’oubli et l’indifférence. Cette préoccupation revient à de nombreuses reprises sous la plume de la romancière, qui n’en oublie pas pour autant les difficultés quotidiennes, les trahisons. Elle accorde également, comme elle l’avait déjà fait dans l’Impasse de Bab Essaha, une importance particulière à la condition des femmes.

Les critiques s’attachent régulièrement à souligner l’absence de manichéisme dans ses ouvrages, comme s’il s’agissait d’une surprise ou d’une exception qui mériterait d’être systématiquement approuvée. Comme si le fait de mentionner les traîtres, les lâches et les collabos, toutes ces avanies qui font aussi le quotidien d’un combat pour l’émancipation était particulièrement remarquable. Du côté de la critique, c’est une façon de braquer les projecteurs sur les problèmes internes palestiniens, qui seraient responsables de la situation actuelle, en passant sous silence la réalité de la colonisation israélienne. Sahar Khalifa s’attaque à cette réalité à bras le corps, elle la dénonce sans transiger. Depuis la Foi des Tournesols jusqu’à ce dernier roman, elle met toute son énergie de romancière à défendre la cause de la Palestine dans une perspective de transformation sociale.

 Henri Clément

 Roman : "Un printemps très chaud" de Sahar KhalifaTraduit de l’arabe par Ola Mehanna et Khaled Osman, Seuil, 2008, 314 pages, 312 pages, 20,50 euros