Publié le Mardi 19 mars 2013 à 17h42.

L’affaire des 75 % : la révolte des riches contre Papa Noël

Par Yann Cézard

 

Louise Michel disait que « le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument ». Le sentiment de toute-puissance donné par la richesse et la flagornerie des courtisans n’est pas pour rien dans la transformation de Gérard Depardieu en bouffon de Poutine. Le voilà donc à bambocher en Mordovie, pays des camps de travail russes, où est enfermée l’une des Pussy Riots. A rabâcher quel grand démocrate est son ami Poutine, quelle vilaine dictature est devenue la France sous les socialistes, ces dépouilleurs de riches !

 

Depardieu se veut l’avant-garde de tous les riches, ces génies qui nourrissent le peuple par l’excellence de leur travail, qui menacent la France de ruine si par malheur ils devaient fuir le pays ? Accordons-lui cela. L’UMP et le Medef veulent y voir leur martyr ? Tant mieux ! Depardieu est la caricature, finalement bien représentative, de toute sa caste. Depuis trente ans les fortunes et les inégalités ont explosé, les riches se font cirer les pompes par tous les gouvernants de gauche et de droite. Plus arrogants que jamais, ils s’imaginent vraiment devoir leur richesse à leur génie, et non aux aberrations du capitalisme et aux rouages de l’exploitation. Ils ont oublié l’avertissement de 68 :

 

 

 

A Paris, les vieux réactionnaires du Conseil constitutionnel, les « Sages », ont en revanche bien travaillé pour leur classe, en censurant la taxe à 75 % de Hollande. A les lire on croit comprendre qu’au-delà de 70 % l’impôt est « confiscatoire ». 

 

Cependant, la censure ne porte pas sur cela, mais sur une aberration « technique » de la loi : elle impose le revenu des personnes, alors que l’impôt sur le revenu porte en France sur celui des foyers. Ainsi, un couple dont l’un des conjoints ne gagnerait rien et l’autre plus d’un million serait taxé, et pas un couple dont chacun des conjoints gagnerait 700 000 euros. « Inégalité devant l’impôt » ! Les Sages défendent donc l’égalité des droits, en quelque sorte…

 

 

Extraordinaire pataquès socialiste

 

Ces brillants gouvernants socialistes se sont donc savonnés eux-mêmes la planche, en produisant une mesure juridiquement difforme, pourtant censée symboliser et légitimer leur « rigueur juste ». L’auteur ultime du texte censuré, le ministre du budget Cahuzac, doit être bien meurtri… lui qui avait dit son désaccord avec les 75 % au moment de la campagne électorale.

 

Ce camouflet est révélateur de la vraie politique fiscale du gouvernement. Dès après son annonce, les socialistes ont dévitalisé la mesure, décidé qu’elle serait provisoire et ne porterait que sur les seuls revenus d’activité des personnes (1 500 environ) gagnant plus de 1 million d’euros dans l’année. Or, contrairement au commun des mortels, les revenus de cette catégorie sont très majoritairement des revenus du capital, les salaires n’y entrent que pour 20 %. En plus les revenus des sportifs et des artistes en sont massivement exemptés !

 

Ils ont en fait voulu éviter de faire une nouvelle tranche d’impôt sur le revenu, qui n’aurait pu autant épargner les revenus du capital. Le Canard enchaîné (du 9/01/2013) nous apprend que selon les calculs de Bercy, « une super-tranche d’impôt [sur le revenu] par exemple, à 60 % [la tranche supérieure est actuellement à 45 %] au-delà de 1 million de revenus par foyer (…), rapporterait autour de 5 milliards [par an], car tous les revenus - salaires, honoraires, et revenus du capital – seraient obligatoirement concernés. » Le journal cite un conseiller de Cahuzac : « On changerait de braquet, en multipliant le rendement de la mesure par 25. » Ce conseiller agite bien sûr le spectre d’une grande vague d’exilés fiscaux… En Suisse ? Dont Cahuzac lui-même peut-être alors ?

 

C’est pourquoi les socialistes ont préféré monter une usine à gaz, proie facile pour le Conseil constitutionnel, plutôt que de mener ce début de réforme véritable de l’impôt.

 

Finalement, la taxe de 75 % aurait dû « rendre » annuellement 210 millions d’euros. A comparer aux 20 milliards d’impôts supplémentaires du budget 2013, aux 20 milliards d’euros de baisse d’impôts offerts aux entreprises par le « Pacte de compétitivité ». Ouf ! Laurence Parisot ne va pas partir, elle, en Mordovie. C’est pour de rire que les chefs politiques des riches s’offusquent de l’impôt socialiste. C’est avec eux que Papa Noël Hollande a passé un « pacte », pas avec ses électeurs. 

 

Mais quel talent quand même, ce Gérard ! Il a failli nous faire croire que les socialistes étaient en train de faire une révolution fiscale !