Cinq années de politiques gouvernementales de centre-gauche, en complet accord avec le patronat et l’establishment des oligarchies européennes, expliquent l’esprit de revanche d’une bonne partie de l’électorat qui, par colère et par rancœur, a voté contre ceux qui ont gouverné, sans trop se soucier de l’outil politique utilisé.
Ces élections donnent la victoire à des forces politiques que l’on peut définir comme populistes et souverainistes, teintées de xénophobie et de racisme dans leurs composantes les plus extrêmes. C’est la coalition de « centre-droit » qui a obtenu le plus de voix (environ 12 millions, soit 37 %) mais, dans cette coalition, il faut noter la perte d’hégémonie de Forza Italia (de Silvio Berlusconi) à l’avantage de la Ligue (ex Ligue du Nord) qui, avec ses cinq millions et demi de voix (18 %), devient le parti majoritaire de la coalition, une avancée surprenante si l’on considère qu’en 2013 la Ligue du Nord n’avait obtenu que 4 % des voix.
Le Mouvement 5 étoiles, 1er parti
L’autre fait marquant concerne le Mouvement 5 étoiles. Ce mouvement, dirigé par Grillo et Di Maio, a obtenu à lui seul presque 11 millions de voix, soit 32,6 %, devenant ainsi le premier parti d’Italie. Flexible et même ambigu dans ses formulations programmatiques et sa propagande électorale, il vient donc de faire le plein des voix. C’est un parti « attrape-tout », qui perce au Sud, rassemblant des mécontentements de provenances et d’orientations diverses contre les politiques néolibérales et la baisse des pensions ; il avance la demande d’un revenu citoyen, polémique contre les castes et les privilèges, et n’est pas dépourvu d’ambiguïté envers les politiques d’accueil des migrantEs. Ces millions de voix fixent au groupe dirigeant du Mouvement 5 étoiles la tâche de reconstruire une Italie fondamentalement honnête. Ce vote implique un changement de posture des dirigeants du mouvement : ils devraient passer de la protestation envers le système à la proposition d’assumer le gouvernement du pays.
Une vraie gauche à reconstruire
La chute du Parti démocrate est au contraire irrésistible. Il est le principal pilier de la mini-coalition de centre-gauche qui, dans son ensemble, a obtenu près de 7 500 000 voix (23 %), dont environ 6 millions sont allées au Parti démocrate (18,72 %). Il y a cinq ans, le Parti démocrate, dirigé par Bersani, avait obtenu 8 640 000 voix (25,4 %) : soit une perte sèche de deux millions et demi de voix. Ce n’est pas seulement la défaite de Renzi mais aussi celle des gouvernements qui se sont succédé pendant cette législature, Gentiloni compris, bien que la bourgeoisie italienne, ces derniers mois, ait vanté ses mérites et ses succès dans la gestion des politiques libérales, à propos des questions fondamentales du droit du travail et de l’école. La défaite du Parti démocrate a entraîné avec elle tous ceux qui, dans le passé, en ont fait partie ou qui, d’une façon ou d’une autre, l’ont appuyé. Impossible pour Liberi e Eguali d’apparaître comme distincts du Parti démocrate après en avoir soutenu les choix, et déception par rapport à ses 3,37 % de voix, score à peine suffisant pour franchir la barre pour avoir des éluEs.
Potere al Popolo, liste de formation récente qui regroupe des mouvements sociaux et des organisations de la gauche anticapitaliste, a obtenu un résultat faible (environ 1,5 %). On espère que cela pourra représenter le début de la reconstruction d’une vraie gauche, celle qui a commencé avec la constitution de la liste, tout en ayant conscience que le chemin sera long et difficile.
Diego Giachetti, traduction Bernard Chamayou