Publié le Dimanche 5 juin 2011 à 15h12.

Pass santé contraception, un progrès limité

La mise en place d’un pass contraception pour la région Île-de-France est un progrès qui souligne encore davantage le manque de moyens pour le mettre en œuvre.

e 27 avril, la région Ile-de-France et le ministère de l’Éducation nationale ont lancé le « Pass santé contraception ». Il s’agit de six coupons permettant aux jeunes de se rendre de façon anonyme et gratuite chez des professionnels de santé : médecin généraliste, gynécologue, laboratoire d’analyse, et de se faire prescrire tous types de contraceptifs (pilule pour trois à six mois, anneaux vaginaux...) pour les filles et garçons en classe de seconde. Ce dispositif favorise l’accès des jeunes mineurs à une contraception gratuite, anonyme et de proximité, garantie par l’accompagnement de professionnels de santé. Ce seront les professionnels de santé scolaire (notamment les infirmières scolaires) qui pourront remettre, le cas échéant, et après un entretien personnalisé, lesdits Pass. C’est le même principe qu’avait voulu mettre en place Ségolène Royal en Poitou-Charente, il y a un an, et qui avait été retoqué par le ministère de l’Éducation nationale. Cette fois-ci, même si le gouvernement s’en vante, le dispositif est entièrement financé par la Région.

Ce Pass présente des points positifs. Tout d’abord, il s’adresse aux filles et aux garçons ; il considère et popularise le fait que les risques liés aux rapports sexuels doivent être pris en charge par les filles comme par les garçons. Cela montre aussi la nécessité pour les jeunes de rencontrer des professionnels de santé et d’avoir accès aux médicaments indépendamment de leurs parents. Les jeunes doivent pouvoir choisir librement leurs moyens de contraception, d’avorter ou non, de dire ou ne pas dire à leurs parents qu’ils ont une MST ou une IST... À partir de 16 ans, les démarches de santé des jeunes ne devraient pas apparaître sur les relevés de la CPAM des parents, mais sur des relevés indépendants au nom du jeune.

Manque de moyens

Mais bien sûr, au vu des coupes budgétaires dans la santé et l’éducation nationale, on peut difficilement penser que ce dispositif va rendre la sexualité sûre, respectueuse de ses partenaires et avec un libre choix de disposer de son corps pour les femmes.

Ainsi, il faudrait des infirmiers et des infirmières scolaires dans chaque établissement, ce qui est de plus en plus rare étant donné les restrictions budgétaires et les non-remplacements de postes dans l’éducation nationale. Ils/elles sont aujourd’hui 7 500 pour 8 000 collèges et lycées, et ils/elles ne sont pas toutEs en temps complet. Par ailleurs, ces professionnelLEs disposent d’une clause de conscience leur permettant de refuser de prescrire contraception et avortement. Il suffira qu’à la fin de l’entretien, ils/elles jugent une contraception ou un avortement inutile, ou encore qu’ils/elles n’orientent pas la ou le jeune vers la bonne structure ! Il est donc problématique que ce Pass ne soit pas en libre accès. Cette difficulté s’est déjà posée avec la pilule du lendemains que certains pharmaciens refusaient de délivrer aux mineures malgré la loi. De plus, une fois le coupon utilisé, qu’en est-il au bout de six mois ?

Et qu’en est-il des jeunes non scolarisés ? Rien n’est dit à ce sujet.

Selon le communiqué de presse du ministère : « l’éducation à la sexualité en est une partie intégrante qui s’appuie sur des programmes adaptés selon les âges et une information dispensée en partenariat avec des spécialistes et des organismes qui apportent toute leur expertise ». En ce qui concerne les programmes, tout élève de lycée peut dire que l’éducation sexuelle n’y est pas traitée, à l’exception de ce qui concerne la reproduction en biologie. Donc les jeunes savent comment faire des enfants mais n’apprennent rien sur le respect du partenaire, la contraception, les préservatifs... Et comme il est déjà demandé aux professeurs d’enseigner plusieurs matières, on ne voit pas où ils trouveraient le temps de donner une vraie éducation sexuelle en temps mixte et non-mixte pour une parole plus libre. L’éducation nationale délègue cela à des intervenantEs extérieurEs, essentiellement du Planning familial, association à qui le gouvernement ne cesse de diminuer les subventions.

Si ce dispositif est en soi une bonne chose, son application souligne encore plus les manques du système de santé et de l’éducation nationale. On ferme les centres d’IVG, le Planning familial a de plus en plus de mal a fonctionner, on diminue les postes dans l’éducation nationale et de tout le personnel encadrant... C’est une bonne chose de s’occuper de la sexualité des jeunes de la région Île-de-France, mais qu’en est-il à long terme des autres régions, des jeunes non scolarisés... Le Pass n’est qu’un début de réponse, et a eu l’avantage de mettre en avant les besoins pour une sexualité libre et sûre des jeunes.

Léa Guichard