Publié le Dimanche 12 mai 2013 à 08h12.

Danger : La droite sort dans la rue

Par Henri Wilno

Ceux qui avaient oublié que la hiérarchie catholique était une force réactionnaire, pour ne se préoccuper que de l’islam, peuvent prendre la mesure de leur aveuglement. La mobilisation contre le mariage pour tous est là pour le démontrer. Elle a été au départ préparée par l’appareil de l’Eglise catholique qui a recueilli des fonds, affrété des cars, etc. La liaison avec l’UMP était évidente. Le mouvement a démarré en novembre 2012. En avril 2013, il se poursuit par des manifestations quasi quotidiennes, au moins à Paris. Cela prouve qu’il faut en finir avec cette laïcité à deux vitesses de ceux qui traquent le moindre foulard et votent sans problème des subventions aux écoles dites libres, voire, au mépris de la loi, s’arrangent pour financer la construction d’églises. Le dossier de notre revue apporte une contribution, à compléter ultérieurement, à l’analyse des rapports entre religions et réaction mais aussi, parfois, résistance sociale. Il est ainsi en phase avec l’actualité. L’offensive réactionnaire a conduit à des agressions contre des homosexuels. A terme, elle peut être porteuse de dangers encore plus lourds. Comme l’écrit Le Monde daté du 17 avril : « Une génération de droite se construit ». Une mobilisation de rue s’est développée, tenace et déterminée, et ce ne n’est pas la gauche qui en est à l’origine mais la droite et l’extrême droite unies à des courants catholiques.

Hollande, l’arroseur arrosé

Certes, le gouvernement s’est piégé lui-même. Hollande, au départ, avait cru faire un bon coup en faisant traîner le débat sur le mariage. Il espérait que la droite parlementaire allait se ringardiser sur un terrain où elle était minoritaire dans l’opinion. D’ailleurs, même le Front national avait hésité : Marine Le Pen n’avait pas participé à la première grande manifestation sur le sujet. Mais la ténacité d’un groupe, au départ restreint, a fait gonfl er les mobilisations. Il faut y ajouter que Valls n’a pas été aussi dur et menaçant avec eux que, par exemple, avec les travailleurs de GoodYear. Certains des manifestants font preuve d’un sens tactique remarquable en mettant notamment en avant le mot d’ordre « Hollande arrête avec le mariage, occupe-toi du chômage ». Et effectivement, beaucoup de gens, y compris parmi ceux favorables au mariage pour tous, ont quelque part le sentiment que Hollande a escamoté les débats parlementaires sur le traité budgétaire et l’ANI (accord fl exibilité) et ne fait rien sur le chômage.

La crise capitaliste continue. Si on ne peut parler de crise de régime, il existe bien une crise politique. Le discrédit du PS est considérable tandis que l’affaire Cahuzac écarte du devant de la scène médiatique bien d’autres affaires touchant la droite. Travailleurs, chômeurs, retraités n’attendent plus que des coups de ce gouvernement. Dans une telle situation, les hésitants, les déçus, les désorientés, comme l’a montré l’Histoire, tendent à se rallier au camp qui manifeste le plus d’énergie. On ne peut exclure que soit en train de se préparer une relève politique qui amalgamerait la droite et une partie de l’extrême droite. C’est à ces défis qu’il faut faire face.

Construire une opposition de gauche

Cette situation confirme la nécessité de construire une opposition de gauche au gouvernement, à la droite et à l’extrême-droite sur les terrains social et politique. Il faut aussi reprendre la rue. Une mobilisation coordonnée des entreprises en lutte contre les licenciements serait un point d’appui. Mais cela ne se décrète pas. Il faut donc travailler à renforcer des mobilisations sur tous les terrains où des braises existent, avec le plus de visibilité possible, et en prise avec les préoccupations immédiates de ceux et celles qui souffrent de l’austérité.

Il faut aussi une propagande unitaire ou de parti largement compréhensible qui démonte les mécanismes de la crise et la politique gouvernementale. Face au Front national, la priorité est de le dénoncer comme antisocial et pas seulement comme raciste. Il faut enfin expliquer inlassablement que des alternatives existent et pourraient être mises en place par un gouvernement aussi fidèle aux intérêts des exploités que Sarkozy et Hollande le sont aux intérêts des exploiteurs. Ce qui suppose, bien sûr, d’en finir avec la Ve République.

Après celle du 1er mai, le NPA participera à la manifestation du 5 mai. Mais il ne le fera pas sur le mot d’ordre de VIe République qui déconnecte social et politique. Clémentine Autain, membre de la coordination du Front de gauche, pousse cette logique à l’extrême dans Le Monde daté du 19 avril. Elle énumère une série de mesures à prendre pour « une issue émancipatrice aux désordres actuels » puis conclut : « Le préalable, c’est de lancer un processus constituant pour la VIe République ». Plutôt que de leur organisation et de leurs luttes, les travailleurs, les chômeurs, les retraités, devraient ainsi attendre leur salut d’une hypothétique constituante…