Un tournant dans sa politique ? Hollande, lors de sa conférence de presse du 13 novembre, l’a nié : «Ni virage, ni tournant. »
Pour une fois il dit vrai. Certes, lors de sa campagne, il avait daigné parfois faire entendre une petite musique de gauche (« mon ennemi c’est le monde de la finance »). Il faut bien se faire élire. Mais les paroles étaient claires : il serait le président de la rigueur… mais « juste ».
Il est donc dans sa ligne droite, et après les mesurettes de l’été, comme la taxe –exceptionnelle et exemptant les revenus du capital – de 75 % sur les millionnaires, le voilà qui ne cesse d’accélérer.
Le traité d’austérité européen, « qu’il renégocierait » ? Il l’a ratifié.
Et maintenant il « assume » : le nucléaire, l’augmentation des impôts pour les classes populaires, la baisse massive des dépenses publiques, et même… l’absence de résultats à prévoir pour les chômeurs : jusqu’à la fin 2013 « nous allons avoir une hausse continue du chômage. (…) Cela va être difficile à vivre pour des familles, des territoires, des entreprises. »
Il assume tout. Sauf le droit de vote des étrangers. Et il fonce. En dix jours, il aura annoncé deux « chocs ».
Le « choc de compétitivité » : réclamé par le patronat, il est rebaptisé « pacte ». Cela fait plus républicain... Mais pacte avec qui ? Pas avec les salariés, les chômeurs, et ceux qui l’ont élu. Mais avec les patrons et son « ennemi » la finance. Encore qu’il ne s’agisse pas d’un « pacte » : où est le « donnant-donnant » ? Le patronat réclamait 30 milliards de baisse de « charges » sociales. Il aura 20 milliards de baisse d’impôts, financés par la population via la TVA et les baisses de dépenses publiques. Sans avoir à rendre de comptes sur ce qu’il fait réellement de cet argent. La « TVA sociale » de Sarkozy va se faire !
Le « choc de rigueur » : 60 milliards d’euros de baisse des dépenses publiques sur cinq ans, soit 12 milliards chaque année. 12 milliards ? C’est le montant des coupes de l’ère Sarkozy… sur quatre ans !
Sarkozy a été battu en mai ? Qu’importe !
C’est bien la politique dont Sarkozy fut le nom qui sera appliquée, par son vainqueur.
Voilà donc le vrai sens politique de cette conférence de presse. Finies les soi-disant hésitations et demi-mesures. Maintenant il faut « dire la vérité », il faut « être sérieux », il faut annoncer clairement que la politique qui sera menée sera la seule possible, l’austérité massive et brutale.
C’est ce qui a mis en joie, à l’issue du show présidentiel, Parisot et le Medef (« nous avons été entendus »), et l’essentiel de la presse (aux ordres de ses riches propriétaires). Tout ce beau monde avait mené, dès la fin des élections, une campagne massive et agressive, pour dénoncer les attaques (imaginaires) contre les riches et les entreprises et exiger l’austérité et de nouvelles réformes libérales, contre le CDI, le code du travail, les services publics, la sécurité sociale.
Hollande leur donne ouvertement et officiellement raison. Il cautionne ainsi la pire propagande patronale, qui prétend que l’économie est en crise à cause du « coût du travail », que les salariés sont au chômage parce qu’ils sont trop payés et trop protégés, que les entreprises coulent parce que les riches payent trop d’impôts. Ce pouvoir « de gauche » fait ce que la droite n’avait pas les moyens de faire : montrer qu’il n’y a pas d’autre politique possible que la fuite en avant libérale et l’austérité, qu’il faut se résigner.
C’est le vrai tournant : le recyclage de l’escroquerie du célèbre « TINA » (« There is no alternative » – il n’y a pas d’alternative) de Margaret Thatcher par les socialistes, qui ne font plus semblant d’être socialistes.
Il n’est donc plus possible de fermer maintenant les yeux sur la réalité de ce gouvernement, de croire ou faire croire qu’on pourrait être « ni dans la majorité ni dans l’opposition ». Face au piège socialiste, face à la machine à résignation et désespoir qu’est ce gouvernement de gauche qui fait une politique de droite, il doit y avoir une alternative, une opposition radicale, sur le terrain de la lutte de classe, en rupture avec le capitalisme.