À quelques semaines du congrès où Marine Le Pen a pris les rênes du Front national, la Commission nationale antifasciste du NPA coordonnait un dossier qui se proposait de « comprendre les relations comme les contradictions qui peuvent exister » entre les différentes familles d’extrême droite dont « l’arme principale est le brouillage du champ référentiel ».
Dans ce même dossier, « parce que l’extrême droite se combat sur le terrain », nous étions revenus « sur des mobilisations antifascistes, passées ou présentes, qui montrent qu’il est possible et nécessaire de passer à l’offensive ». Les formes de la contre-offensive restant à débattre.
Dans le présent dossier, nous avons voulu alimenter ces mêmes débats sous l’angle du double mouvement qui s’opère, ces dernières années, entre une radicalisation idéologique des droites, le plus souvent gagnées au néoconservatisme, mises en difficultés par les conséquences d’une crise financière qu’elles ont elles-mêmes promue et le « recentrage » de façade, le prétendu « aggiornamento » qu’opèrent certaines organisations d’extrême droite issues des fascismes historiques, particulièrement le FN.
Pour alimenter nos débats militants, nous avons sollicité auteurs, chercheurs, analystes et syndicalistes. Certaines de leurs réflexions peuvent paraître désarmantes ou provocatrices. Mais à travers ces différents points de vue apparaissent « en creux » de nombreuses questions qu’il s’agit de se poser afin de mener efficacement la lutte contre la poussée d’une extrême droite qui prétend jouer un rôle d’alternative au système capitaliste. Il s’agit d’éclairer les recompositions en gestation au sein des droites.
Même si certaines franges militantes savent que le FN d’aujourd’hui s’inscrit dans la continuité du FN d’hier, il s’agit bien de le démontrer. En effet, on ne peut ignorer l’audience retrouvée, voire élargie par un nouvel « effet Le Pen » après celui des années 1980. L’influence politique retrouvée d’un parti qui, d’élection en élection, tente de capter les suffrages de nouveaux « segments électoraux » tout en s’attirant la confiance de fractions du patronat. Un parti qui tente de rajeunir et de reconstituer un appareil militant mis à mal lors de la scission de 1998. Un parti qui, comme le souligne le politologue Jean-Yves Camus, cherche à « faire cohabiter radicalité idéologique et pragmatisme tactique en affirmant [sa] vocation à exercer le pouvoir dans le cadre d’une stratégie annoncée de normalisation et de respectabilité. »
Ainsi, il s’agit de comprendre les logiques à l’œuvre dans un contexte marqué par une crise politique, sociale et économique d’une violence sans précédent pour les peuples, de « déconstruire » les impostures frontistes – son offensive en direction du monde du travail par exemple. Il reste également nécessaire de rester vigilant face aux tentatives d’autres mouvances d’extrême droite d’exister (en convergences avec les secteurs de la droite conservatrice) à la marge du FN. En l’occurrence, dans ce dossier, la mouvance catholique intégriste (récemment soutenue dans ses actions, à Paris et Lille, par le Parti antisioniste ou le groupuscule Forsane Alizza). Une mouvance militante dont le Vatican a bien besoin en ces temps de reflux de son influence.
René Monzat déclarait, dans le dossier de novembre 2010, « Le contexte a changé […] nous manifestions dans le cadre de Ras l’front, réseau en intersection organique avec le mouvement ouvrier syndical et les organisations politiques de gauche et d’extrême gauche, nous le faisions aussi sur le socle des valeurs démocratiques issues de la Révolution française et de la Résistance partagées et formellement revendiquées par tout l’éventail politique hors FN. » Et tout cela a des conséquences sur les formes de ripostes.
L’objectif de ce dossier est de contribuer, sans tabou ni pré-acquis, à faire avancer le débat concernant la stratégie face à la résistible ascension des extrêmes droites du xxie siècle.
Commission nationale antifasciste
1. « Extrêmes droites: les connaître pour mieux les combattre », Tout est à nous! La Revue, n°15, novembre 2010.