Publié le Mercredi 7 août 2019 à 22h07.

Mouvement des Gilets jaunes et expériences de convergence(s)

Le problème de la convergence des Gilets jaunes avec les salariés des entreprises s'est posé avec acuité dès le début du mouvement. Des tentatives multiples ont été entreprises dans tout le pays. Nous publions ci-dessous quelques témoignages de ce qui a été possible ou non, dans cinq villes : Bordeaux, Grenoble, Rouen, Lyon et Toulouse. 

Bordeaux : jeunes, syndicalistes et Gilets jaunes ensemble ! 

AVEC LES JEUNES 

Quand les manifestations des samedis ont commencé, nous avons d’abord constitué un cortège autour des étudiantEs. Le comité de mobilisation de la fac, initié par des camarades du NPA, y manifestait en défense des étudiantEs étrangers victimes de la hausse exponentielle des droits d’inscription, unissant leur combat à celui des Gilets jaunes. D’entrée, nous avons formé un groupe d’une centaine ou plus de jeunes et moins jeunes, avec des gilets jaunes ou rouges, des badges du NPA ou syndicaux, des drapeaux rouges, des slogans « lutte de classe » et internationalistes, qui a fini par être repéré dans les manifs et apprécié. Des syndicalistes, les Ford, des militants de LO, de la FI ou du PC y sont passés. Certains de nos slogans et chants anticapitalistes sont devenus des classiques du samedi, repris par de nombreux Gilets jaunes. 

SYNDICALISTES ET GILETS JAUNES 

Dès que le mouvement a démarré, nous avons refait ce que nous avions déjà impulsé en 2003, 2010 et 2016 dans la zone industrielle de la Presqu’île (Rive droite de Bordeaux), à savoir se retrouver entre syndicalistes à l’Union locale CGT. Nous avons décidé de nous adresser aux Gilets jaunes de ronds-points proches, de nous regrouper pour défendre nos revendications communes et constituer un collectif syndicats-Gilets jaunes. Nous y sommes quelques syndicalistes et militants du NPA dont les deux élues municipales connues de villes populaires du secteur. 

À travers des AG qui regroupaient entre 20 et 50 personnes, essentiellement des syndicalistes CGT mais aussi de la FSU, de FO Transports et de Sud Emploi, nous avons milité pour la convergence entre syndicalistes et Gilets jaunes, sous l’oeil impuissant de l’UD CGT dont des membres et même la secrétaire générale sont venus à des réunions, désavoués pour leur distance vis-à-vis du mouvement et l’absence d’appel véritable à la mobilisation et à la préparation de la grève dans les entreprises. 

Le collectif a organisé, le 21 février, une première Rencontre de convergence Gilets Jaunes et syndicalistes de la Rive droite, regroupant environ 120 personnes à Lormont. Un sondage fait à l’entrée par des GJ a donné à 50% la priorité aux questions de salaire et de pouvoir d’achat, suivie de la fiscalité et du RIC compris comme nécessité de tout contester (à 14%), de tout contrôler. 

Le collectif a par la suite rédigé un tract de convergence et d’appel à la manif du 19 mars, s’adressant aux Gilets jaunes et salariéEs du secteur, rédigé par une dizaine de GJ et de militantEs CGT et distribué ensemble à des milliers d’exemplaires sur plusieurs ronds-points et marchés ainsi qu’à la manif du samedi. 

Il a aussi pris la défense d’un travailleur portuaire Gilet jaune qui a eu la main arrachée lors d’une manifestation. Il a créé avec lui une association pour collecter de l’argent pour qu’il puisse retravailler à l’aide d’une main bionique d’une valeur de 38 000 euros, à collecter dans les entreprises et marchés des alentours, sur les ronds-points et même au 52e Congrès de la CGT ! La rédaction d’un tract pour le soutenir a posé problème, les Gilets jaunes présents tenant absolument à faire figurer le RIC comme revendication, ce que presque tous les syndicalistes contestaient. Nous avons décidé ensemble de faire figurer nos deux positions : « pour la démocratie directe des travailleurs et des citoyens, et le RIC »… 

AVEC LES PARENTS ET ENSEIGNANTES EN LUTTE 

Lorsque le mouvement contre la loi Blanquer a éclaté, l’AG du collectif a décidé de faire un tract pour appeler à la convergence GJ et syndicats pour la défense de l’école et la manif du 30 mars. 

Le 14 mai, alors que le mouvement refluait, la deuxième rencontre Gilets jaunes et syndicalistes de la Rive droite a regroupé 112 personnes (66% de GJ, 50% de salariéEs et 24% de syndiquéEs, surtout du secteur) de la CGT, FSU, Sud santé-sociaux et Sud Rail, CNT et du CLAP 33 (association contre les violences policières), mais aussi d’Ensemble, du PC, de la FI. Les interventions des camarades du NPA, les seulEs à se présenter politiquement, ont été très appréciées. 

La discussion, qui devait commencer par la dénonciation des violences policières, a surtout porté sur la violence sociale, la violence au travail avec les contre-réformes à la SNCF, les réformes régressives dans la santé et l’éducation, la question des salaires et du pouvoir d'achat. 

Le débat sur les contre-réformes de l’école a été l’occasion pour une mère mobilisée d'expliquer le combat des parents avec l’occupation des écoles, d’un camarade cheminot de dénoncer l'aggravation des conditions de travail avec le pacte ferroviaire, de camarades de la santé leurs conditions de travail en évoquant les grèves en cours dans les hôpitaux, et pour touTEs d'affirmer la nécessité de la convergence des luttes et d’un mouvement d’ensemble vers la grève générale. 

Dans le mouvement, nous avons milité sous nos couleurs syndicales et politiques, contre le dialogue social et les politiques institutionnelles qui alimentent chez les Gilets jaunes la défiance vis-à-vis des syndicats et des partis. Nous nous sommes ap

puyés sur les syndicalistes « lutte de classe » qui veulent aller à l’affrontement avec le gouvernement et le patronat, qui pensent que cela passe par la grève dans les entreprises, par la convergence des luttes, et qu’il faut se battre avec la détermination des Gilets jaunes. 

Les nouveaux liens créés et renforcés font qu’il y aura un avant et un après mouvement des Gilets jaunes. La politisation en cours nous permet de discuter assez largement de la transformation révolutionnaire de la société et de la nécessité de se regrouper, de s’organiser, de construire un parti pour nos luttes, pour prendre nos affaires en main, pour tout décider et contrôler. 

Grenoble : salariéEs et Gilets jaunes, même combat ! 

Il est assez rare que les salariéEs parlent spontanément des mobilisations à venir, or ce fut le cas pour le 17 novembre grâce notamment aux réseaux sociaux. Il y avait dès le début quelque chose de spontané qui dépassait largement ce que les équipes militantes sont capables de faire et qui bousculait les préoccupations quotidiennes. En décembre, quelques salariéEs de la boîte (STMicroelectronics) travaillant le week-end ont sollicité le syndicat (CGT) pour qu’il appelle à la grève, leur permettant ainsi de se rendre aux manifestations. 

PRESSION DE LA BASE 

L’impact du mouvement des Gilets jaunes sur les syndiquéEs CGT de base s’est fait sentir rapidement, la plupart étant solidaires, certainEs participant aux mobilisations les samedis. Ceci est probablement à mettre en lien avec la composition sociologique de cette confédération et son implantation, plus proches de celles du mouvement que ne le sont celles de Solidaires ou de la FSU. En Isère, quelques structures, dont la métallurgie 38, ont appelé par la suite à toutes les manifestions du samedi. Comme dans les autres départements, c’est le fruit à la fois de la pression de la base et du constat d’échec des journées de grève traditionnelles récentes. Mais dans la plupart des instances dirigeantes, et ce fut le cas à l’UD 38, le débat a été plus compliqué avec des réticences très fortes des cadres du syndicat. Contrairement à Solidaires 38, l’Union départementale CGT 38 a refusé le soutien matériel demandé par les Gilets jaunes en novembre. Dans tous cas, les débats ont été extrêmement intéressants sur les modalités d’action, le rapport entre les cadres d’auto-organisation et les structures permanentes, les revendications portées… 

Au fur et à mesure des semaines, avec la structuration du mouvement des Gilets jaunes et la maturation de ses revendications, les préoccupations exprimées ont largement rejoint, y compris dans leur formulation, les revendications syndicales autour du pouvoir d’achat et des salaires. Et pas seulement sur ces questions-là : CICE, crédits d’impôts, exonérations de cotisations diverses, etc., sont des éléments qui faisaient très précisément écho à ce que nous portions en tant que syndicats à STMicroelectronics depuis des années sur le contrôle de l’argent public dans cette multinationale dont les États français et italien détiennent un quart des actions. 

CONVERGENCES 

Reste qu’il n’était pas si facile de faire converger les modalités d’actions : en tant que salariéEs, militantEs syndicaux, l’essentiel a lieu en semaine, sur le temps de travail, que ce soit l’information des collègues ou les manifestations. Dégager du temps en plus le samedi avec toutes les contraintes des unEs et des autres n’est pas si évident. Malgré tout, de nombreux syndiquéEs CGT se sont retrouvés dans les manifestations du samedi. CertainEs étaient également présents aux ronds-points ou ont pris la parole dans des AG. Le premier accueil d’une « délégation officielle » du syndicat au rond-point occupé à côté de l’usine a été assez distant : pas d’hostilité mais pas de volonté de faire ensemble non plus. Il faut dire que nous n’avions pas grand-chose à apporter au vu de la démonstration de force faites par les Gilets jaunes en novembre-décembre… 

Les annonces de Macron ont joué un petit rôle déclencheur début janvier : en annonçant une prime de 1000 euros dans les boîtes qui le pouvaient, le gouvernement avait la volonté manifeste d’enrayer l’extension au monde du travail. Le problème, c’est qu’à STmicro, malgré l’État actionnaire et les résultats exceptionnels de l’année précédente, la direction a refusé de verser la « prime Macron ». Les salariéEs, qui pensaient évidemment la toucher, ont été très énervés par cette décision. Le syndicat CGT a alors décidé d’organiser une action pour dénoncer le mépris de la direction et porter des revendications salariales. Ce rassemblement entre midi et 14h a été un succès, réunissant environ 200 personnes et une quinzaine de Gilets jaunes du rond-point voisin. La direction a finalement versé un supplément d’intéressement… Rien de mirobolant mais cette action a été symboliquement importante pour marquer les liens qui unissent les intérêts des salariéEs et des Gilets jaunes. 

Les discussions se poursuivent dans le syndicat comme en dehors sur la nécessité de la grève massive, sur les actions coups de poing, les blocages… Personne n’a la recette miracle pour faire basculer le rapport de forces en notre faveur, mais il y a la volonté claire de faire converger les luttes et les modalités d’actions pour un « tous ensemble » plus que jamais nécessaire. 

Rouen : des Gilets jaunes et des militantEs ouvriers à la recherche de la convergence 

À Rouen, une fois passés les deux premiers samedis de mobilisation des Gilets jaunes des 17 et 24 novembre, qui se sont matérialisés par de très nombreuses et spectaculaires occupations de ronds-points autour de l'agglomération, notamment aux ronds-points des Vaches, de la Motte et à Barentin, (occupations desquelles les militants du mouvement ouvrier organisé étaient quasiment absents, du moins de manière identifiée), ce sont les manifestations en centre-ville qui sont devenues chaque samedi le principal point de ralliement des participants au mouvement. 

PREMIÈRE JONCTION LE 1ER DÉCEMBRE 

Dès le 1er décembre, une première jonction entre le mouvement des Gilets jaunes et le milieu militant syndicaliste s'est opérée à l'occasion de la journée de manifestation contre la précarité appelée par la CGT et Solidaires, et une deuxième s'est opérée le 8 décembre à l'occasion d'une marche unitaire contre le dérèglement climatique. C'est à l'initiative de militantEs et de proches du NPA, impliqués dans la CGT et Solidaires, que les parcours préalablement et « officiellement » prévus ont été, malgré une présence policière déjà très importante, largement rallongés sur des distances qu'on n'avait plus parcourues depuis la loi Travail, permettant ainsi à une minorité de militantEs syndicalistes d'entrer franchement en contact avec le mouvement des Gilets jaunes, malgré des préventions, des réticences voire de franches inimitiés (largement réciproques d'ailleurs). Ensuite des liens se sont tissés entre l'intersyndicale interpro CGT, Solidaires, FSU, FO et des représentants des Gilets jaunes rouennais, malgré la place controversée d'un de leurs porte-parole, François Boulo, et des appels communs ont été lancés pour les manifestations des 5 février et 19 mars. 

JUSQU’À 5000 MANIFESTANTE

C'est surtout lors des « manifestations du samedi », démarrant le matin à 10 heures et se prolongeant souvent très tard dans l'après-midi que Gilets jaunes, militantEs syndicalistes conscients de la nécessité de la convergence des luttes et militantEs d'extrême gauche, regroupés dans un pôle ouvrier, syndical et politique, ont appris à se côtoyer, souvent dans la bonne entente mais parfois de manière conflictuelle et à braver ensemble... (ou pas selon les forces) la répression policière. Ces manifestations, qui ont pu regrouper au plus fort jusqu'à 5000 personnes lors des appels « régionaux » du début de l'année, ont en effet fait l'objet, comme partout en France à partir de la mi-janvier, d'une répression policière sans précédent, parachevée depuis la fin du mois de mars par l'interdiction de pénétrer dans le centre-ville pour y manifester. Les occupations de ronds-points se sont, elles, érodées au fil des semaines, à la fois sous le coup de l'usure mais aussi à cause de la répression (interventions policières, gazages, verbalisations à 135 euros, arrestations). À la fin du mois d'avril, seul le rond-point des Vaches à Saint-Étienne-du- Rouvray, lieu emblématique du mouvement, était encore fréquenté par plusieurs dizaines de Gilets jaunes... en dehors des périodes des arrêtés d'interdiction allant généralement du vendredi midi au mercredi soir ! Des assemblées générales de l'ensemble des collectifs de Gilets jaunes de l'agglomération regroupent chaque mois autour d'une centaine de personnes, d'autres assemblées locales hebdomadaires tournent autour de quelques dizaines de personnes. Il est possible de prendre la parole dans ces assemblées en tant que militant syndicaliste ou révolutionnaire pour proposer des actions communes de blocage ou de soutien aux différentes luttes, même si cela déclenche immanquablement des critiques contres les organisations syndicales et les partis politiques en général. Des actions communes se sont ainsi construites au fil des mois, comme par exemple des blocages aux entrées de l'usine Renault de Cléon ou à l'usine Saipol de Grand-Couronne, des opérations « parking gratuit » au CHU de Rouen ou encore la participation à des manifestations avec les lycéenEs, les parents et les enseignantEs mobilisés contre les réformes Blanquer. 

Lyon : des solidarités appréciées 

Les contacts entre Gilets jaunes et l’ensemble des travailleurs ont commencé assez tôt sur le rond-point de Feyzin. Celui-ci se trouve juste en face des cuves de pétrole de la raffinerie Total, ce qui a facilité les rapports avec les travailleurEs lors des différentes actions, filtrages ou distribution de tracts. Des ouvrierEs d’Arkema, de Total, des cheminotEs… sont venus régulièrement sur le rond-point, ou à des AG locales. C’était l’époque où les GJ pensaient pouvoir vaincre seuls, uniquement par leur détermination à tenir. Fin 2018, lors de la grève chez Total (pour des augmentations de salaire) ni les ouvrierEs de Total, ni les GJ ne sont allés à la rencontre les unEs et des autres, alors qu’il n’y avait que l’autoroute à traverser. 

PREMIÈRES CONVERGENCES 

Les premiers véritables liens se sont tissés lors de la manif et de la grève du 5 février, même si beaucoup de Gilets jaunes ont été déçus par la brièveté (1h30 de défilé) et le côté gentillet de la manif. Celles est ceux qui ont voulu continuer ont été suivis par des syndicalistes CGT les plus déterminés. Et lors de la manif du 19 mars nous avons pu nouer des liens, notamment avec les salariéEs de Cogépart, (boîte sous-traitante de Carrefour qui s’occupe des livraisons à domicile), en grève depuis une semaine contre le licenciement d’un de leurs collègues. Des contacts ont été pris, un groupe assez important est venu à l’AG hebdomadaire, et le vendredi suivant a eu lieu une action au Carrefour de la Part- Dieu où la direction de Cogépart négocie enfin. Une bonne cinquantaine de Gilets jaunes, voire plus, ont mis une bonne ambiance durant les négociations qui ont abouti : le travailleur a été réintégré, pas de poursuite contre les grévistes et paiement de sept jours de grève (sur deux semaines). Ce jour-là, une caissière CGT de Carrefour est venue nous voir pour nous inviter à venir soutenir leur action le mardi suivant au magasin de Confluence. On se retrouvera à une bonne quinzaine. Au même moment les éboueurs du Grand Lyon (fonctionnaires de la Métropole) partaient en grève pour des revendications salariales, et des Gilets jaunes sont allés les voir sur les piquets, même si cela s’est borné à des discussions et pas à une aide concrète. 

AVEC LES ÉBOUEURS DE PIZZORNO 

Par contre, avec les éboueurs de Pizzorno (pour Lyon et la proche banlieue la métropole a sous-traité le ramassage des ordures) l’action conjointe a été très concrète. Les éboueurs sont venus à une de nos AG du lundi pour nous demander de nous joindre à eux, en particulier 

tous les matins de 4h30 à 8h30 au piquet de grève pour retenir le plus longtemps possible les camions conduits par des intérimaires. Ce qui a marché. Outre les Gilets jaunes, il y a eu aussi des étudiantEs (notamment des camarades du NPA), éboueurs Metropole, qui sont venus à la rescousse. La direction a traduit en justice les éboueurs, et le tribunal a été rempli par différents travailleurEs et de nombreux Gilets jaunes sans gilets. Cela a apparemment fait pression sur la justice qui a donné raison aux grévistes. L'ouverture de négociations s’est fait dès l’après-midi, alors que depuis plus de 15 jours la direction de Pizzorno refusait toute entrevue (il faut dire aussi que la Métropole a fait pression à sa manière en menaçant Pizzorno d’une amende de 20 euros par poubelle non ramassée). Les éboueurs n’ont pas obtenu l’augmentation de 300 euros qu’ils réclamaient, et qui les aurait mis à égalité avec les salariés de la Métropole, mais 65 euros sous forme de prime indexée au salaire et la satisfaction sur tous les problèmes de sécurité. 

À peu près en même temps que la grève des éboueurs de Pizzorno, qui a débuté le 2 avril, commençait aussi la grève des travailleurEs de JST (Jeumont Schneider transformateurs) pour des augmentations de salaire (100 euros par mois). Après 3 semaines de grève, la direction n'a rien cédé, même si les travailleurEs ont bloqué pendant plusieurs semaines des transformateurs pour la centrale nucléaire du Triscatin. Et malgré la solidarité des Gilets jaunes, syndicalistes d'autres entreprises, les travailleurEs ont dû reprendre le travail. 

Il se trouve qu’à Lyon, depuis ce printemps, des grèves sur les salaires se sont enchainées et, jusqu’à maintenant, ont été plutôt victorieuses et surtout ressenties comme telles par les travailleurEs qui se sont battus. Ces mêmes travailleurEs sont venus aux manifs du samedi. On peut dire que l’AG hebdo de Lyon sert aussi de lieu de ralliement et de rencontre pour ceux qui se battent. Nous étions aussi une petite centaine en solidarité avec les hospitaliers pour accueillir Agnès Buzyn à l'hôpital Edouard Herriot. 

Toulouse : réussites et difficultés dans la convergence entre Gilets jaunes et Gilets rouges 

Toulouse aura été un bastion des Gilets jaunes, marqué par ses manifestations du samedi et les affrontements hebdomadaires avec la police. Depuis le mois de décembre et durant 6 mois, régulièrement, plus de 10 000 personnes se sont donné rendez-vous au centre de la Ville Rose. 

SPÉCIFICITÉS LOCALES 

Pourquoi cette situation particulière ? La métropole est marquée par une croissance urbaine horizontale incontrôlée, avec le plus fort accroissement de population de France. Les travailleurEs sont sans cesse repoussés plus loin du centre et des lieux de travail. Ils et elles se concentrent dans des villes dortoirs marquées par la pénurie d’infrastructures culturelles, sportives, d’associations… Mais également par un réseau de transports en commun défaillant, faisant exploser l’utilisation de la voiture avec un temps de transport quotidien moyen très élevé. 

Dans cette situation, et dans un département ancré à gauche, le mouvement des Gilets jaunes a dès le départ été pris en partie en charge par des syndicalistes, que ce soit sur les ronds-points, les péages, ou dans la construction d’embryons de cadres démocratiques du mouvement. Ainsi, la convergence avec le mouvement syndical combatif, bien qu’ayant nécessité débats en décembre, s’est faite à des rythmes plus rapides qu’ailleurs. Le 7 décembre, la CGT 31 a été la première union départementale à avoir pris position contre la signature, par la Confédération, du communiqué intersyndical condamnant les violences des Gilets jaunes. Mais dans la rue, c’est la CGT santé du CHU qui a initié la convergence « blouses blanches avec les Gilets jaunes » le samedi 8 décembre, et qui a regroupé environ 400 personnes, salariéEs de la santé et militantEs. 

APPELS SYNDICAUX 

Le 10 janvier, une sous-commission « interpellation des directions syndicales » de l’AG des Gilets jaunes, animée par quelques militantEs « autonomes » et d’extrême gauche, a voulu organiser un rassemblement devant la Bourse du travail. La CGT a répondu favorablement et a ouvert les portes de la Bourse pour un débat commun entre Gilets jaunes et syndicalistes. Étaient présentEs en grand nombre des militantEs CGT et près de 300 personnes ont échangé sur comment arriver à construire la grève générale. 

À partir du 15 janvier, CGT, FSU et Solidaires ont appelé à toutes les manifestations du samedi. Bien que n’entraînant qu’une minorité militante, ces appels ont été fondamentaux pour exprimer la convergence entre le mouvement ouvrier et les Gilets jaunes. 

Malgré ce début de dynamique, la journée de grève du 5 février a été décevante. Il n’y a pas eu de grèves importantes dans aucun secteur et de nombreuses et nombreux militantEs syndicaux, investis dans les cadres Gilets jaunes, ont été confrontés aux difficultés à mettre en grève leurs collègues. Beaucoup ont arrêté la propagande pour la grève générale à ce moment-là. 

Quelques secteurs se sont néanmoins mobilisés dans les semaines qui ont suivi, avec une solidarité symbolique de groupes de Gilets jaunes : dans la santé, dans des boîtes privées sous-traitantes de l’aéronautique ou encore lors de la grève des éboueurs de la ville de Toulouse. 

1ER MAI RÉUSSI 

Dans la dernière séquence, la journée de grève du mois de mars et celle du 9 mai n’ont vu que très peu de Gilets jaunes dans le rang des manifestations. C’est le premier mai que la convergence a été la plus forte avec la moitié du cortège (environ 6000 personnes), en tête, composée par des manifestantEs en Gilets jaunes. 

Tout au long de la mobilisation, la présence d’une partie du mouvement syndical a été précieuse, aux côtés de la gauche radicale, pour prendre largement le dessus sur les forces réactionnaires qui ont échoué à s’implanter à Toulouse. Mais face aux difficultés à mobiliser dans les boîtes dans un contexte où les directions syndicales nationales refusent de centraliser l’affrontement avec Macron et le patronat, la question de la grève générale n’a pas réussi à s’imposer. C’est pourtant la seule voie pour gagner.

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