Publié le Lundi 19 juin 2017 à 20h40.

Un salaire à vie ? Débat avec Bernard Friot

A côté du « revenu universel », débattu lors des Nuits debout et popularisé par Benoit Hamon, une autre proposition se fait jour : le « salaire à vie ». Le « réseau salariat » animé par Bernard Friot en est l’initiateur.

Le « revenu de base » cherche à rendre supportables le chômage, la précarité et un recul de la protection sociale considérés comme inévitables. Qu’en est-il du « salaire à vie » ? Peut-il s’inscrire dans une stratégie anticapitaliste ? A quelles conditions ? C’est ce que nous tenterons d’explorer dans une discussion des thèses de Bernard Friot et de leurs évolutions.

 

Salaires : le grand bond en arrière

Après la fin de la longue période d’expansion économique qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale, les classes dirigeantes des grandes puissances capitalistes se sont appuyées sur le retour d’un chômage de masse pour restaurer les profits au moyen des politiques d’austérité. L’un des principaux objectifs poursuivis est de revenir, en matière de salaires, sur deux des acquis principaux des combats des salariés au cours du 20e siècle : 

• Les garanties collectives (statuts, conventions collectives). Celles-ci ont permis de fixer la base de la rémunération en fonction de la qualification, et non de la stricte quantité individuelle de travail fourni par le salarié ;

• Les systèmes de sécurité sociale. La socialisation d’une partie du salaire a rendu possible le financement, par la protection sociale, des frais de reproduction de la force de travail de l’ensemble de la classe des salariés, y compris de celles et ceux qui se trouvent « hors emploi » (enfants non encore au travail, travailleurs malades ou au chômage, retraités). 

Ernest Mandel décrivait (en 1986) le mécanisme de destruction de ces acquis par l’instauration d’une « société duale » : « à travers la pression en faveur de la société duale, du travail à temps partiel, du travail précaire, du travail au noir, le capital veut désormais réduire les salaires aux seuls salaires directs qui déclineront ensuite inévitablement en fonction de la croissance de l’armée de réserve. C’est déjà le cas pour la masse des travailleurs "au noir" ou aux "emplois précaires" qui généralement ne bénéficient plus des avantages de sécurité sociale. Cela représente une réduction des salaires brutale de 30 % sinon plus, du moins en Europe capitaliste. »1

Trente ans plus tard, sous couvert de modernité (l’économie numérique, la robotisation), la « société duale » retrouve les formes les plus archaïques et les plus brutales de l’exploitation : « emplois » des chauffeurs Uber, micro-tâches remplies par des dizaines de milliers de « collaborateurs » de Google, « auto-entrepreneurs ». C’est le retour au travail « à la tâche » du journalier cherchant à vendre individuellement, sans garanties collectives ni protection sociale, sa force de travail sur le marché du travail. Que cela se passe sur Internet ou par le biais d’une application de smartphone n’y change rien.

Alors qu’aucune sortie de crise n’est en vue, les capitalistes poursuivent avec constance leur objectif : prendre sur la part des salaires pour augmenter celle des profits. L’enjeu reste considérable : en 2014, les dépenses de l’ensemble des régimes de protection sociale s’élevaient en France à 689,8 milliards d’euros, soit près d’un tiers du PIB. Les cotisations sociales représentaient 62 % des ressources (Panorama de la DREES, 2014).

 

La cotisation sociale « créatrice » de l’emploi 

C’est au nom de la défense de l’emploi que patronat et gouvernement se sont attaqués au « coût du travail » et plus spécialement aux cotisations sociales. L’argument est bien connu : si les patrons n’embauchent pas c’est parce que, face à la concurrence étrangère, les salaires sont trop élevés, en premier lieu les cotisations sociales, ces « charges » qui « pénalisent » les entreprises. L’extension des emplois précaires, l’allègement des cotisations sociales voire leur suppression serait donc la seule solution pour sauver ou créer des emplois.

Les promesses n’engagent bien sûr que ceux qui y croient ou font semblant d’y croire. Le « million d’emplois » promis par Pierre Gattaz, président du Medef, est resté virtuel malgré les 42 milliards bien réels d’exonérations de cotisations sociales et de réductions d’impôts du CICE et du pacte de responsabilité consenties par Hollande et Valls.

A la fin des années 1990 Bernard Friot, par ses livres2 et son activité militante, a contribué à donner des clés pour combattre les contre-réformes en clarifiant et popularisant les enjeux de la cotisation sociale et du salaire socialisé. Le titre d’un de ses ouvrages résume bien son argumentation : « Et la cotisation sociale créera l’emploi ».

Pour lui, défendre l’emploi ce n’est pas défendre n’importe quelle « situation de travail » : « de nombreuses situations de travail assumées par des travailleurs juridiquement salariés ne sont pas des emplois, parce qu’elles ne satisfont pas aux caractéristiques du salaire. »3 Plus exactement, on peut dire que les « emplois aidés », les emplois exonérés partiellement ou totalement de cotisations sociales, ou les « emplois jeunes » ne sont pas de véritables emplois. 

Lutter pour l’emploi, c’est en même temps lutter pour un contenu salarial de celui-ci : 

• Un salaire direct défini par un barème correspondant à la qualification ;

• Des cotisations sociales permettant de garantir la « prolongation du salaire » pour toute situation hors emploi (maladie, maternité, chômage, formation, retraite) ;

• Le financement du salaire direct et indirect intégralement assuré par l’employeur (et non par l’impôt), la gestion des cotisations sociales et leur redistribution assurée par des institutions indépendantes de l’Etat, contrôlées par les salariés.

Ainsi est-il possible d’assurer à chacun la continuité de son salaire (direct ou indirect), correspondant à sa qualification, indépendamment de la discontinuité des emplois4 et du temps passé « hors emploi » (formation, maladie, maternité, chômage, retraite). Ce sont les bases d’un « salaire à vie ».

Bernard Friot a ainsi contribué à sortir des confusions et des hésitations qui existaient, y compris dans la gauche syndicale, antilibérale ou anticapitaliste. Il a insisté sur de la nature des cotisations sociales, comme partie socialisée du salaire et sur la signification des contre-réformes : remplacer le salaire socialisé par un système d’assistance étatique minimum (financé par l’impôt), complété par des assurances. 

Il a contribué à l’abandon de la notion de salaire « différé ». Celle-ci suggère de manière erronée que la pension de retraite est la restitution « différée » des cotisations versées par le salarié. Le concept de « salaire socialisé » est beaucoup plus judicieux. Les cotisations sociales, élément obligatoire de la rémunération des salariés dans l’emploi, sont « socialisées » par les caisses de sécurité sociale ou Pôle emploi. Elles sont instantanément redistribuées aux retraités sous forme de pensions, aux malades pour leurs indemnités journalières et leurs soins, aux parents comme allocations familiales pour l’éducation des enfants, aux chômeurs en tant qu’allocations chômage. 

 

Le « travail » des retraités : un grand virage théorique et ses conséquences

Mais à partir de 2010, avec la publication de nouveaux ouvrages5, Bernard Friot a radicalement modifié son approche du salaire socialisé

En 1999, comme nous venons de le voir, pour lui l’origine des pensions de retraite était le travail des salariés occupant un emploi. Il écrivait ainsi que « les salariés retraités perçoivent une portion du salaire courant, correspondant au travail courant des salariés occupés [occupant un emploi ? Ndlr], portion légitimée par leur portion d’emploi passé, sans que celui-ci en soit d’aucune façon la contrepartie. »6

Dans une contribution datant de cette année-là, il expliquait que le salaire socialisé permettait aux retraités d’être « payés à ne rien faire » : « en effet, qu’est-ce que fait un travailleur dans une société capitaliste ? Il produit de la valeur, appropriée par les détenteurs du capital, par transformation de son temps en temps du capital. Dans une telle société, ne rien faire c’est user librement de son temps pour travailler bien sûr, mais aussi pour entretenir des liens familiaux ou d’amitié, se soigner ou se former, militer dans un syndicat ou un parti politique, élever ses enfants, aller au cinéma, etc. Etre payé à ne rien faire, c’est percevoir un salaire à disposer librement de son temps. »7

C’est très exactement le point de vue inverse qui est développé à partir de 2010. En 2014, dans ses entretiens avec Patrick Zech, défendant « la suppression de toute considération de carrière passée dans le calcul de la pension », Bernard Friot déclare que « cette bataille posera bien que la contrepartie en valeur des pensions est produite par le travail actuel des retraités, et non par leur travail passé ou le travail actuel de ceux qui ont un emploi. »8

Modifier son analyse quand on l’estime erronée n’a rien de critiquable. Ce qui pose problème, c’est que Bernard Friot n’explicite ni ce retournement, ni ses raisons. Le point de départ de son évolution semble être la situation nouvelle des « jeunes retraités » (ou du moins – soulignons-le –d’une partie d’entre eux), qu’il décrit avec enthousiasme : « ils vivent la retraite avec une pension proche de leur salaire et un réseau social nourri d’activités multiples : ils n’ont "jamais autant travaillé", ils n’ont jamais été aussi heureux de travailler. »9

Dans une interview10, Bernard Friot s’exclamait : « Si on dit retraite à 55 ans, ça oblige à expliquer que les retraités travaillent, sinon les gens vont s’étonner, "attendez, on ne fait plus rien à 55 ans ?". La retraite, ce n’est pas la revendication du loisir après une longue vie de travail, c’est une seconde carrière libérée de l’emploi et de la mise en valeur du capital. »

Que les retraités soient de plus en plus nombreux à avoir de nombreuses activités socialement utiles, personne n’en doute. Mais il n’en découle pas pour autant que leur pension soit le résultat de cette activité, même rebaptisée « travail ».

Un ou une salariée ayant un emploi peut passer ses jours de repos ou de congé au lit, ou au contraire participer aux tâches domestiques, assister à un concert, jardiner ou bricoler dans sa maison. Cette activité n’a aucun rapport avec le salaire qu’il/elle touchera à la fin du mois. Celui-ci dépend exclusivement de la part du travail fourni dans son emploi, qui lui revient sous forme de salaire.

Il en est de même pour le salarié-retraité. Qu’il cultive des tomates, s’occupe de ses petits-enfants, passe sa journée à se promener ou devant sa télévision, n’influe en rien sur sa pension de retraite. Celle-ci provient des cotisations sociales, issues du travail des salariés exerçant un emploi, qui alimente les organismes de sécurité sociale.

Il n’existe qu’une seule différence entre ces deux situations : dans le premier cas, le salaire est payé directement par l’employeur ; dans l’autre, il est versé indirectement au retraité en transitant par les caisses de sécurité sociale. Le retraité a acquis ce droit parce que lui-même, quand il/elle occupait un emploi, a contribué à alimenter ces caisses par ses cotisations.

La diminution du temps de travail (dans l’emploi) a donné du temps libre pour les salariés, à la semaine (réduction du temps de travail hebdomadaire), à l’année (congés annuels) ou sur la durée de la vie (retraite). Ce temps de loisir rémunéré par le salaire direct ou indirect permet de développer de libres activités, en fonction d’aptitudes et de choix personnels, d’accéder à la connaissance, à la culture, à l’art, au sport, de se consacrer aux relations avec les autres, de participer à la vie sociale et politique.

Le loisir offre des possibilités d’épanouissement qui étaient autrefois le privilège exclusif des classes dominantes. Il est devenu accessible aux salariés, et cela fait scandale pour les possédants qui n’ont de cesse de remettre en cause la réduction du temps de travail et le financement des situations « hors travail », en particulier de la retraite. 

Pour montrer le caractère émancipateur du loisir il n’est nul besoin, comme le fait aujourd’hui Bernard Friot, de le transformer en un « travail » auquel serait affecté une « valeur économique ».

 

Une valeur exclusivement politique ?

Substituant au concept marxiste de « rapports de production » capitalistes celui de « convention capitaliste du travail », Bernard Friot n’analyse pas le système capitaliste comme un tout obéissant à une logique globale, celle de l’accumulation du capital. Il est pour lui possible d’en modifier le fonctionnement de l’intérieur, par une autre « pratique de la valeur ». « Le fondement de la valeur est exclusivement politique. Et ce que la politique a fait, la politique peut le défaire. C’est ainsi que la pratique capitaliste de la valeur a notablement changé au 20e siècle du fait d’une classe ouvrière à l’offensive. »11

En 1945, Ambroise Croizat, ministre communiste du travail et l’un des fondateur de la sécurité sociale aurait, selon Bernard Friot, « affecté de la valeur économique » au travail des parents qui élèvent leurs enfants en doublant le taux des cotisations sociales et en triplant le montant des allocations familiales. Dans l’interview déjà citée de L’Humanité, il affirme : « est-ce qu’Ambroise Croizat ponctionne la valeur capitaliste pour financer l’activité des parents ? Pas du tout ! La hausse formidable du taux signifie qu’on attribue de la valeur économique au travail des parents. »

Ainsi serait créé, à côté de la production capitaliste de marchandises, un autre secteur produisant une valeur « libérée de la pratique capitaliste du travail » grâce au travail des fonctionnaires12, des retraités, des parents... Dès lors, l’enjeu de la lutte de classe deviendrait de développer ce secteur, au détriment du secteur produisant selon la « convention capitaliste du travail », pour aboutir au dépérissement de ce dernier (Friot parle d’« assèchement »). 

Cette surprenante lecture, ne permet pas de rendre compte de la lutte de classe réelle qui s’est déroulée au cours des cinquante dernières années. L’un des combats centraux du patronat a été et reste la « baisse du coût du travail », (c’est-à-dire la baisse des salaires directs et des cotisations sociales), dans le but explicite de « rétablir les marges » de profit. Pour les capitalistes, il n’existe aucun doute sur le fait que les cotisations sociales « ponctionnent leurs profits ». C’est sur ce terrain qu’ils ont mené la lutte de classe par les politiques d’austérité et que les salariés ont riposté, en France et dans les autres pays d’Europe.

 

Quels acteurs pour quelle lutte de classe ?

Dans ses entretiens avec Patrick Zech, Bernard Friot affirme que « changer (…) la valeur, c’est mener la lutte des classes, à l’inverse, organiser la mobilisation sur des combats qui ne changent pas la pratique capitaliste de la valeur, c’est éviter la lutte des classes. »

La plupart des luttes menées par les salariés n’ont pourtant pas pour but de modifier la « pratique capitaliste de la valeur », mais d’imposer une autre répartition des richesses entre salaires et profits. Aussi « évitent »-elles, selon Friot, la lutte de classe. Il en va de même des luttes pour la réduction du temps de travail, qui seraient elles aussi aujourd’hui dépassées.13

La perspective de transformation de la société se trouve ainsi déconnectée du mouvement réel de la plupart des combats des salariés. Les acteurs « offensifs » de transformation de la société ne sont plus, dans cette vision, l’ensemble des salariés mais ceux qui participent au combat pour « modifier la pratique de la valeur » : fonctionnaires, retraités, membres des collectifs de jeunes qui récusent le marché du travail...

Mais peut-on fonder une perspective de transformation sociale sur ces groupes sociaux ? Pour ne prendre que l’exemple des retraités, chacun connaît les limites de l’action syndicale de ceux-ci. Ils n’ont qu’un poids très limité dans les mobilisations sociales car, contrairement aux salariés ayant un emploi, s’ils cessent de « travailler » (au sens de Friot) cela ne perturbe guère le fonctionnement de la société capitaliste.

 

Une stratégie d’évitement... de la conquête du pouvoir

Dans ses derniers ouvrages, Bernard Friot trace de manière plus précise la perspective d’une sortie du capitalisme en s’appuyant sur le développement d’institutions alternatives à la «  convention capitaliste du travail », qui permettraient de transférer « 100 % du PIB à la cotisation ». Une caisse « cotisation salaire » remplacerait les employeurs pour le versement des salaires directs et assurerait aussi le versement des indemnités maladie, chômage, des retraites, elle permettrait donc le « salaire à vie »... Une seconde caisse se chargerait des investissements, quant à la troisième elle financerait la part des consommations gratuites qui ne relèvent ni du salaire ni de l’investissement.

Sans entrer dans une discussion sur la nature de la société qui est ici décrite, on se limitera à la stratégie préconisée. Entre une société où une partie du salaire est socialisée, mais où subsistent des rapports de production capitalistes et un monde où la propriété « lucrative » a disparu, où les employeurs sont dépossédés de toute possibilité d’investir, d’acheter et de vendre la force de travail, il n’y a pas continuité mais rupture.

En se défendant de « gradualisme »14 et en expliquant qu’il y a des hauts et des bas à la lutte de classe, Bernard Friot ne répond pas à la question posée : celle de la possibilité même d’une telle évolution. La fin de la « propriété lucrative » est-elle envisageable, sans qu’au préalable les salariés aient conquis le pouvoir politique et brisé les possibilités de résistance de la bourgeoisie ?

Si beaucoup de débats sont ouverts quant aux stratégies possibles de sortie du capitalisme, cette question a pourtant été tranchée par l’expérience douloureuse du mouvement ouvrier (de la Commune de Paris au Chili de l’Unité populaire). Bien avant d’avoir été dépossédée, et d’avoir perdu le contrôle des moyens de production, quand elle estime que la survie de son système est menacée, la bourgeoisie réagit. Elle le fait à la fois sur le terrain économique (grève des investissements, fuite des capitaux...) et sur le terrain politique par la répression de son appareil d’Etat et, si besoin, par l’utilisation de bandes fascistes. Si le mouvement ouvrier n’assume pas cet affrontement ou s’il le perd, le retour à la normale se fera au prix de la destruction (partielle ou totale) ou de l’intégration des conquêtes ouvrières.

Il n’y a pas de continuité possible entre l’affectation de 40 % du PIB à la cotisation et celle de 100 %, pas plus qu’il n’y a de possibilité de faire fonctionner au sein du capitalisme des institutions qui ôteraient tout pouvoir aux capitalistes (celui d’embaucher, de définir les salaires et les investissements). Il est possible et nécessaire de s’appuyer sur les acquis des salariés, tels que la sécurité sociale, pour les développer et montrer leurs potentialités subversives (ce que Friot appelle le « déjà là émancipateur »). Mais l’idée que l’on puisse cuire à petit feu le capitalisme sans qu’il réagisse, en conquérant certaines institutions, s’est toujours avérée un échec.

Bernard Friot pourfend les stratégies d’évitement. Celle qu’il préconise évite pourtant la question centrale de la conquête du pouvoir politique. Celle-ci est évoquée de manière extrêmement floue. S’agit-il de la simple conquête majorité parlementaire ? (Son apologie de la politique du PCF entre 1945 et 1947 peut le laisser penser.) Comment cela s’articule-t-il avec le développement des « institutions salariales » ? Autant de questions essentielles qui restent dans l’obscurité. 

Nous vivons une situation où, comme on l’a souvent évoqué, « le vieux monde se meurt » alors qu’un projet d’émancipation sociale et les forces pour le porter restent à reconstruire. Dans cet entre-deux, les « solutions » semblant permettre de contourner la question du pouvoir peuvent attirer. C’est le cas du revenu universel, c’est aussi celui de la version plus radicale du « salaire à vie » que préconise Bernard Friot. Toutes mènent pourtant à des impasses.

Le « salaire à vie » synthétise l’exigence du droit permanent à une rémunération correspondant à sa qualification (que l’on ait ou non un emploi) et à la satisfaction gratuite des besoins fondamentaux. A ce titre, il doit être un des éléments d’un programme anticapitaliste, dont la réalisation passe par la conquête du pouvoir politique par les salariés.

Jean-Claude Laumonier

 

  • 1. « Marx, la crise actuelle et l’avenir du travail humain », http ://www.ernestmandel.org/new…
  • 2. « Puissances du Salariat », La Dispute, 1998 ; « Et la Cotisation Sociale créera l’emploi », La Dispute, 1999.
  • 3. « Et la cotisation sociale créera l’emploi », p. 54.
  • 4. En cas de perte d’emploi, mais aussi dans le cas des « intermittents ».
  • 5. « L’enjeu des retraites », La Dispute, 2010 ; « L’enjeu du salaire », La Dispute, 2012 ; « Emanciper le travail », La Dispute, 2014.
  • 6. « Et la cotisation sociale créera l’emploi », p. 56.
  • 7. « Assurances sociales, solidarité nationale, salaire socialisé », La Revue de l’IRES, septembre 1999.
  • 8. « Emanciper le travail », p. 134.
  • 9. « L’enjeu des retraites », la Dispute, p. 26.
  • 10. L’Humanité, 14 août 2013.
  • 11. « Emanciper le travail », p. 21.
  • 12. Sur la question de la « production de valeur » par les fonctionnaires, et plus généralement du travail productif et improductif (de valeur), qu’il est impossible d’aborder dans cet article, nous renvoyons au deuxième chapitre (p. 99 à 165) du livre de Christophe Darmangeat, « Le profit déchiffré » (La Ville brûle, 2016).
  • 13. « Emanciper le travail », p. 111 : « (…) la réduction du temps d’emploi, qui a été à juste titre au cœur des batailles ouvrières, lorsque le temps d’emploi occupait tout le temps de vie, mais qui relève aujourd’hui de la conduite d’évitement (…) »
  • 14. « Emanciper le travail », p. 130.