Publié le Lundi 5 octobre 2015 à 21h48.

La « question du sujet » de la transformation sociale

Dans son article « Les chantiers de l’écosocialisme révolutionnaire » paru dans le numéro d’Inprecor de cet été, Daniel Tanuro pose « la question du sujet » de la transformation sociale comme « une question décisive pour l’écosocialisme ». Quelles sont les forces sociales capables, par leur lutte, de changer l’ordre social ? Il souligne le décalage, entre les mobilisations des communautés indigènes et paysannes en lutte contre des grands projets extractifs qui « coïncident directement avec ce qui doit être fait pour sauver le climat » et les revendications immédiates de la classe ouvrière qui « ne coïncident pas avec ce qui doit être fait pour sauver le climat, mais plutôt avec ce qui le déstabilise ». C’est en effet une question clé dans nos débats stratégique notamment sur la question écologique. Pour éviter l’écueil de faire de l’écologie une question à part qui appellerait des réponses spécifiques, il nous faut pleinement l’intégrer à notre projet socialiste et donc l’inscrire dans la lutte des classes.

Les débats de l’université d’été autour du climat, ont permis de revenir sur l’origine des  raisonnements productivistes des organisations du mouvement ouvrier notamment de la CGT et du PCF. Il faut les remettre en perspective par rapport à l’histoire des luttes ouvrières, à l’échec de la vague révolutionnaires des années 20, au poison qu’ont été le stalinisme comme le réformisme de la social démocratie entraînant le recul du mouvement révolutionnaire et l’abandon de la perspective d’en finir avec le capitalisme. Du fait de leur intégration à l’ordre social existant, les organisations réformistes n’ont pas d’autres perspectives que d’essayer de limiter les conséquences de la crise sociale et économique dans le cadre de ce système économique. Elles en reprennent les critères économiques. Défendre l’emploi signifie pour elles défendre la croissance, le développement de la production, du « savoir faire français » et non pas défendre le partage du temps de travail et une autre répartition des richesses.

C’est un problème politique global lié au poids des raisonnements réformistes qui participent au recul général de la conscience de classe. Nous y sommes confrontés en tant que militants révolutionnaires et c’est pour cela que nous formulons des revendications immédiates en lien avec la perspective d’un changement de société, qui remettent en cause la sacro-sainte propriété privée, la logique des marchés, de la course à la compétitivité. Des revendications qui contribuent à reconstruire une conscience de classe, à renforcer l’idée que la classe ouvrière, la classe des salariés, en tant que classe exploitée, ayant une position particulière dans la production, est porteuse d’une perspective d’organisation sociale reposant sur une autre logique que la concurrence, le marché, la course au profit.

C’est vrai pour nos réponses face aux politiques d’austérité, mais tout autant en ce qui concerne la question écologique.

Il y a un faux débat dangereux face à l’urgence de la situation pour savoir si les solutions à la crise écologique sont compatibles ou pas avec des mesures sociales. Poser la question en ces termes c’est déjà accepter que les deux ne sont pas sur le même terrain, ne relèvent pas de la même remise en cause du mode de fonctionnement du système capitaliste.

Combat écologique et combat social se rejoignent parce qu’il s’agit d’un seul et même combat contre la domination de toute l’économie mondiale par les grandes multinationales, les grands groupes financiers et des États à leur service qui sacrifient les populations et leur environnement, à l’accumulation sans fin du Capital. 

C’est un même combat parce que nous lui donnons le même contenu de classe car il n’y a pas de réponse à la crise écologique sans réponse à la question sociale, c’est-à-dire la remise en cause de la domination de la classe capitaliste.

On ne peut que se réjouir et être partie prenante de la grande diversité des mobilisations qui émergent face aux conséquences de la crise climatique comme celles des communautés indigènes ou paysannes, luttant contre l’appropriation de leurs terres par les multinationales de l’agrobusiness ou du pétrole, comme celle contre les grands projets inutiles. Mais la question reste entière de comment formuler l’enjeu du combat en terme de classe, c’est-à-dire de quelles classes dirigera la société, quels intérêts sociaux détermineront le fonctionnement de l’économie.

Dans ces diverses luttes écologiques qui partent de revendications immédiates nous représentons une perspective politique globale qui seule peut les unifier autour d’un objectif commun : la remise en cause de la propriété capitaliste qui reste « la question fondamentale du mouvement. » Et c’est par rapport à cet objectif que la classe des salariés est porteuse d’une autre perspective en rupture avec le capitalisme, seule véritable réponse à la crise écologique.

 

En ce sens le combat écologique n’est pas une sphère autonome dégagée de la lutte des classes mais un des enjeux du combat de la classe des salariés dans la perspective d’une transformation révolutionnaire de la société capitaliste, pour le socialisme.

Bruno (NPA33)