Lors de sa séance du 21 mai dernier, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a adopté à l’unanimité un avis sur la réforme du droit des étrangers. Pendant ce temps, de Calais à Paris, les interventions brutales contre les migrants continuent...
En préambule, la CNCDH note : « Le projet de loi intervient dans un contexte extrêmement difficile où des populations entières fuient, au péril de leur vie, les conflits armés sévissant au Moyen-Orient, et ailleurs. À cela s’ajoute la survenance récente d’événements tra- giques aux frontières de l’es- pace Schengen, qui alourdit considérablement le nombre de morts aux portes de la “forteresse Europe”. Ces événements laissent craindre que les pouvoirs publics ne soient tentés de durcir davantage leur politique de contrôle des flux migratoires venant du Sud. » Elle ne se prive pas d’ajouter ce commentaire acide : « L’esprit du temps est-il frappé du sceau indélébile du rejet de l’Autre ? » On ne saurait mieux dire.
Une politique démonstrative... mais insensée
En homme de droite cohérent, porté à sacrifier le rôle protecteur de l’État au bénéfice de son rôle répressif, Manuel Valls ne cesse de rajouter des épisodes infamants à la longue suite d’exactions racialistes commises contre les migrants depuis des décennies, au moins. Brutales et spectaculaires, des inter- ventions policières sont périodiquement relayées par les médias. Cette dernière semaine à Paris en a été une nouvelle illustration.
Dans le même temps, les forces de police n’étaient pas en reste à Calais, où deux camps ont été également évacués. Dans cette ville, les statistiques de la PAF sont éclairantes : sur une même période s’étendant du 1er janvier à la mi-mai, les interceptions d’étrangers cachés dans des camions sont passées de 4 117 en 2013 à 8336 en 2014, et à 18170 en 2015. L’éclatante démonstration du fait que si l’intense activité policière apparaît très « rentable » en termes de répression, elle s’inscrit dans une politique insensée si on la rapporte à l’objectif affiché d’inversion de la courbe de croissance (pour parler « technocrate largué ») des flux migratoires...
De fait, ce qui est d’abord en jeu dans la politique migratoire du gouvernement néo-sarkozien de Manuel Valls, c’est la démonstration de sa capacité sans égal à faire régner l’Ordre public. Pour le reste, il importe surtout que nos bussines- men tant aimés disposent toujours à volonté, situation irrégulière aidant, d’une main-d’œuvre surexploitable. Et c’est d’ailleurs pourquoi la traque des migrants va de pair avec celle, non moins obsessionnelle, des « faux chômeurs » : autant de droits élémentaires mis à mal !
L’autoritarisme contre les «indésirables»
Sur fond de campagne électorale permanente, la course à l’échalote avec les Fronts républicains nationaux de tout acabit accélère... Car nos politiques sont uniment convaincus que pour complaire aux Français, il ne faut pas faire preuve de la moindre faiblesse à l’égard des étrangers qui frappent à notre porte et autres miséreux. Ce qu’ils ne veulent pas voir, c’est que, comme le note la CNCDH, « devant ce mur d’intolérance qui se construit, pierre après pierre, sous nos yeux, il n’est pas surprenant que l’opinion publique voie trop souvent dans les migrations “une concurrence potentielle sur le marché du travail, une difficulté à vivre ensemble, voire une atteinte à son iden- tité et une mise en péril de l’État providence et des objectifs sécuritaires” »1. En somme, ce faiseur de rois fantasmé qu’ils appellent « l’opinion » finit bien par prendre forme, mais force est de constater que ce sont bien eux qui la forgent.
Et c’est ainsi que le traitement des étrangers jugés indésirables met en évidence le passage insensible (sauf pour ses victimes !) de la France hollandienne dans la sinistre caté- gorie des régimes autoritaires, avec les relents de totalitarisme que lui confère l’apparent consentement d’une fraction croissante de popu- lation, désorientée et manipulée. Face à cette forme de terrorisme d’État, il est temps, plus que jamais, de réagir.
François Brun
- 1. Xavier Chojnicki, «Idées reçues sur l’immigration: une lecture économique», Humanitaire [En ligne], 2012.