La mobilisation pour les manifestations du 21 mars a permis de dresser un état des lieux de la situation sur le front de l’antiracisme, des reculs accumulés et des bases sur lesquelles une riposte peut se construire...
Deux semaines après le 21 mars, une assemblée a réuni 115 actrices et acteurs de la mobilisation le samedi 4 avril à la bourse du travail de Saint-Denis : membres de nombreux et divers collectifs, associations, syndicats et organisations politiques.En lien avec la crise générale de la gauche et de ses organisations, le mouvement antiraciste traditionnel est en décomposition et le recul idéologique est important dans l’ensemble de la société. Mais à côté de cette décomposition de l’ancien émergent des collectifs dans les quartiers, souvent centrés sur des questions spécifiques, des associations thématiques et des tentatives de « reprendre l’initiative ».Comme en témoignait Saïmir Mile de la Voix des Rroms lors de l’assemblée, le pouvoir favorise cette fragmentation en construisant activement une concurrence des causes. L’assemblée du 4 avril a ainsi illustré les difficultés à combiner l’urgence de répondre aux attaques spécifiques et la nécessité de reconstruire un rapport de forces global contre le racisme. Car l’urgence qui oblige les premierEs concernés à prioriser leur propre lutte les mène aussi parfois à l’opposer à celle des autres.Mais ce développement de luttes locales n’en est pas moins une force. D’abord parce qu’on ne peut imaginer la possibilité d’une riposte générale sans résistance aux attaques concrètes et spécifiques. Et que c’est pour répondre à ces attaques que se constituent des collectifs, comités, associations, à l’occasion de l’expulsion d’un camp de Rroms, de l’exclusion d’une maman voilée dans une école, d’un crime policier dans un quartier, d’un foyer de migrants fermé, etc. Ensuite parce que, ce faisant, ces ripostes mettent au centre des mobilisations les premiers et premières concernéEs.
Combiner actions locales, débats et convergences nationalesC’est donc sur cette base qu’une riposte est possible en se gardant de l’idée qu’un cadre général peut se substituer au stade actuel au développement de ces tissus militants locaux. La tâche serait donc de leur donner plus de visibilité, de favoriser les échanges entre différents fronts de lutte à l’échelle d’un même quartier et entre différents lieux. Et de proposer des possibilités de convergence sur des campagnes.Tout cela doit se combiner aux débats pour échanger, construire la confiance, mieux comprendre ce à quoi nous faisons face et élaborer une stratégie d’ensemble. De ce point de vue, des rendez-vous existent déjà, comme les rencontres nationales des luttes de l’immigration et des quartiers populaires le week-end du 18-19 avril à Saint-Étienne ou le Forum contre la racialisation de la politique le 9 mai à Gennevilliers.Enfin, des campagnes pourraient permettre de commencer progressivement à construire les convergences même si elles ne regrouperont pas immédiatement tout le monde : campagne contre le projet de loi contre les nounous voilées, campagne contre la loi sur le renseignement, manifestation contre le racisme et le fascisme le 6 juin à l’occasion de l’anniversaire de l’assassinat de Clément Méric... La mobilisation contre la loi sur l’immigration et le droit d’asile qui sera présentée au début de l’été pourrait être une occasion de convergences entre tous ces réseaux mais aussi avec des syndicats et des forces politiques.
Denis Godard