Publié le Mercredi 20 juin 2018 à 14h55.

Aquarius, acier et migrantEs : demain s’écrit aujourd’hui

Retour sur l’étape parisienne de la marche Vintimille-Calais… et sur son contexte international. 

Lundi 18 juin : c’est de Münich que le ministre de l’Intérieur allemand lance son ultimatum pour fermer les frontières aux réfugiéEs. Dimanche, l’Aquarius est arrivé en Espagne. La veille, Salvini, le ministre de l’Intérieur italien, a prévenu qu’aucun bateau sauvant des migrantEs n’accosterait plus en Italie : « En ministre et en père je le fais pour le bien de tous ». Quelques jours avant, en Méditerranée, un navire militaire US a récupéré 40 migrants à la dérive, ne pouvant sauver ceux qui étaient déjà à l’eau. Le lundi 18 juin, aux États-Unis, Trump annonce que « les USA ne deviendront pas un camp de migrants ». En France la loi asile-immigration arrive devant le Sénat. À la permanence juridique qui s’achève lundi dernier dans un local associatif parisien, une militante exténuée me dit : « La loi asile-immigration ? De toute manière la situation est déjà désespérée pour les migrantEs… »

Logique de fer

Ces développements interviennent quelques semaines après la « guerre de l’acier » lancée par Trump. Le parallèle historique paraîtra abusif mais il devrait faire réfléchir. Les deux industriels allemands les plus célèbres pour leur soutien au nazisme en Allemagne dans les années 1930 s’appelaient Krupp et Thyssen… géants de l’acier. Pas parce qu’ils étaient fascinés par Hitler. Mais parce qu’ils étaient favorables à une politique à la fois protectionniste sur le plan intérieur et expansionniste sur le plan extérieur, autoritaire et militariste. Sous la bannière du fascisme ou celle de la « démocratie » ces logiques furent bientôt celles de tout le « grand capital » (pour reprendre les termes d’un livre de l’époque) et celles de toutes les grandes puissances… jusqu’à la conflagration.

Je ne dis pas cela pour nous désespérer. Il n’y a jamais eu de fatalité dans l’histoire. La même époque fut aussi celle de grandes révoltes, celle de juin 1936 en France, de la révolution en Espagne. Hitler comme Mussolini n’ont pas pris le pouvoir sans résistances. Mais tel était l’enjeu de ces luttes. Ceux et celles qui pensaient juste ramener les pouvoirs à un peu plus d’humanité ne firent que céder ou être broyés.

Appel au combat

Malgré l’horreur actuelle, nous ne sommes qu’au début du film. Les forces à soulever contre son déroulement sont immenses. À condition de ne pas les bercer d’illusions sur ce qui pourrait se passer au Parlement ou au Sénat ou… aux prochaines élections. À condition de ne pas les entretenir dans leur passivité.

Dimanche 17 juin, lors de l’étape parisienne de la marche Vintimille-Calais, l’essentiel de la manifestation s’est regroupé à la gare d’Austerlitz, à l’appel des collectifs de sans-papiers et de la Marche des solidarités, quand les organisations les plus institutionnelles avaient appelé à se rassembler à partir de Bastille. Alors qu’encore une fois, la préfecture avait tenté d’empêcher cette portion du défilé, ne l’autorisant que la veille.

Ce qui se construit depuis des mois, en solidarité avec les migrantEs, contre les violences policières, contre le racisme, est bien sûr hors de proportion face à l’ampleur du drame en cours, face aux tragédies humaines et quotidiennes. Mais c’est ce qui appelle au combat. Raison pour laquelle nous serons devant le Sénat le 26 juin à 17 h 30 contre le vote de la loi. Et le 7 juillet à Calais pour lutter pour l’ouverture de la frontière et le passage des marcheurs et marcheuses, avec ou sans papiers. Contre l’acier qui fait les armes et les frontières, avec les migrantEs, parce que les combats de demain se gagnent aujourd’hui.

Denis Godard