La destruction du camp de réfugiéEs de Calais ce lundi s’accompagne d’une intense opération de communication. La gigantesque intervention de police – 1 250 CRS... en plus des 2 000 « habituels » – et de tri des êtres humains devient selon le gouvernement une « mise à l’abri humanitaire ». Et les 700 journalistes accrédités – on devrait plutôt dire « embarqués » comme lors des interventions militaires –, les seuls qui ont accès au camp, nous répètent en boucle, sur l’air du « dormez tranquille braves gens », que tout va bien...
Il faut au moins ça pour tenter de faire croire que le gouvernement français serait enfin décidé à traiter humainement les migrantEs. Par quel miracle ferait-il aujourd’hui ce qu’il n’a pas fait avant : offrir un accueil décent, une écoute et une aide matérielle aux réfugiéEs, qu’ils en aient ou non le statut officiel.
Ils veulent « rendre invisibles ces hommes, ces femmes et ces enfants »
Ce gouvernement a donc trouvé 7 500 places dans des centres d’accueil et d’orientation (CAO) temporaires. Par humanité ? Certainement pas. Comme l’écrit justement la Fasti (Fédération des associations de solidarité avec touTEs les immigréEs), « Il a beau déguiser cette évacuation en opération humanitaire, nous ne sommes pas dupes : il s’agit de déplacements forcés, vers des lieux où les expulsions pourront être organisées loin des projecteurs ; il s’agit de rendre invisibles ces hommes, ces femmes et ces enfants et de museler toute résistance et toute solidarité. »
Les migrantEs vont être disperséEs dans quatre-vingts départements. Bon nombre de celles et ceux qui partent dans des bus escortés par la police ne savent pas où ils vont atterrir. Ils et elles sont supposés ne rester qu’un mois dans ces centres. Et ensuite ? Combien seront mis en centre de rétention pour être expulsés ? Combien seront condamnés à encore plus de clandestinité, encore plus de précarité, donc encore plus de risques pour leur santé et leur vie ?
Belles paroles et vrais mensonges
Les gouvernements et leurs ministres de l’Intérieur se succèdent, mais de Sangatte à Calais, les mêmes obsessions électorales guident les mêmes politiques : faire disparaître les migrantEs. En 2002, Sarkozy fermait le centre d’accueil de Sangatte ; en 2009, Éric Besson sévissait à Calais, déjà ; et aujourd’hui, à nouveau Calais… avec encore plus de migrantEs, le cynisme et l’habillage humanitaire en plus.
En tant que ministre du Logement, c’est donc Emmanuelle Cosse qui s’y colle. Elle est chargée de la préparation de la destruction du bidonville de Calais et théoriquement du relogement des milliers de personnes qui y vivent. « Il est hors de question de laisser encore plus longtemps ces personnes dans la boue et la détresse », déclare-t-elle, ajoutant que « notre action va permettre aux migrants d’avoir un avenir qui ne soit pas dans la rue ou les camps, parce que cela les abîme et ne leur permet pas de se construire dignement. » De fortes paroles certes... mais un odieux mensonge !
Car c’est bien la rue ou les camps qui attendent la majorité des déplacéEs, quand ce ne sont pas les centres de rétention – qui d’ores et déjà se préparent à recevoir les « récalcitrants » –, prélude à la reconduite à la frontière et à l’expulsion vers la misère, la violence, la répression et la guerre qu’ils et elles ont fui.
Refuser la fausse alternative
Le respect des droits et de la dignité nous impose de refuser de choisir entre deux « réponses » inhumaines et dramatiques, de refuser la fausse alternative entre d’un côté le bidonville tel qu’il est avec ses conditions exécrables, dangereuses et insalubres, et de l’autre le « démantèlement », c’est-à-dire le déplacement forcé, sous la menace policière, vers des destinations non choisies.
Tant que les frontières seront fermées, à Calais comme à Vintimille (entre l’Italie et la France), celles et ceux qui ont déjà affronté tant de dangers, franchi tant d’obstacles pour arriver en Europe au péril de leur vie, se regrouperont dans des bidonvilles dans l’espoir de « passer ». Tant que la France refusera à ces femmes, hommes et enfants, la liberté de s’installer où ils veulent, de chercher du travail et un logement, ils et elles chercheront à se rendre dans un autre pays, un peu moins inhospitalier (malgré ses grandes déclarations, la France n’a accueilli que 5 000 SyrienEs alors que la Suède en accueille 50 000 et l’Allemagne plus d’un million...).
La seule solution reste bien l’ouverture des frontières, la liberté de circulation et d’installation.
Christine Poupin