Publié le Samedi 12 juin 2010 à 13h58.

Cadarache : 9 intérimaires portugais surexploités

Des travailleurs portugais d’origine africaine étaient employés sur le réacteur Jules-Horowitz, dans des conditions proches de l’esclavage.Le 12 mai 2010, un groupe de neuf salariés portugais est venu frapper à la porte de l’union locale (UL) CGT de Manosque (Alpes-de-Haute-Provence) pour demander de l’aide. Ils avaient de grosses difficultés à s’exprimer même en portugais car ils étaient tous originaires d’Afrique : huit de Guinée Bissau et un de Gambie.Ainsi débute une histoire classique d’esclavage moderne. Mais dans ce cas, le donneur d’ordre – bénéficiaire en dernier ressort – est le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), une entreprise d’État vivant des fonds publics. L’entreprise employeuse de ces travailleurs se présente comme une société d’intérim installée au Portugal. Le chantier : la construction du réacteur Jules-Horowitz (RJH) à proximité du site de Cadarache.Le RJH, réacteur expérimental destiné à la recherche sur les comportements des combustibles et des matériaux pour les centrales électronucléaires, est un projet de l’Espace européen de la recherche dans le domaine de l’énergie nucléaire. L’entreprise qui a eu recours à l’agence d’intérim portugaise est la SAMT de Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône). Et bien entendu, le CEA ignore tout des contrats portugais. Du reste, SAMT est une société familiale (Les Thirion) spécialisée dans le ferraillage des structures en béton armé. Edgard Thirion a fait changer le nom de son métier, on ne dit plus ferrailleurs mais armaturiers. Sa société de 170 salariés intervient en sous-traitance pour Rasel, une société de génie civil du groupe Fayat (15 000 salariés). Il manquait un étage à cette structure organisationnelle, c’est Areva TA (anciennement Technicatome) le maître d’œuvre du chantier, filiale d’Areva, la société d’Anne Lauvergeon, avec 80 000 salariés. Que du beau monde… Leurs sites ne parle qu’éthique, développement durable, responsabilité, sécurité, etc.Ainsi, en bout de chaîne, le ferraillage de la structure en béton d’un réacteur nucléaire est exécuté par des équipes de travailleurs intérimaires exploités dans des conditions épouvantables. Ces neuf ouvriers n’ont pas été payés depuis deux mois, n’ont reçu aucun bulletin de salaire, le dispositif de contrôle des heures supplémentaires a été supprimé et ils ont été avertis de la fin de leur mission du jour au lendemain alors que leur fin de contrat était fixé entre le 21 et le 25 septembre 2010, virés non sans menaces physique de la part du « Kapo » portugais sur place. Bien entendu, on leur a demandé de quitter leur logement, trois pièces pour huit personnes avec des évacuations d’eau hors d’usage, ce qui les contraignait à utiliser les toilettes publiques.Totalement démunis, ils ont fréquenté le Resto du cœur de Manosque jusqu’à sa fermeture. Traduits par l’union locale CGT de Cadarache, les contrats de travail en portugais mentionnaient 1 370 euros mensuels pour 35 heures, bien en deçà des heures travaillées. L’UL CGT de Cadarache a interpellé le directeur du CEA sur cette situation extravagante, une mission d’enquête par les services de l’inspection du travail de Marseille est en cours. En attendant, l’UL a fait approvisionner ces travailleurs en denrées alimentaires par les services sociaux de Marseille. Le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a reçu une synthèse de cette situation, la Halde a été également interpellée. Voici comment les choses se passent dans l’Europe du traité de Lisbonne, avec des services de l’État en ruine, voilà comment on assure la « sécurité » de la construction d’un réacteur nucléaire, qui porte le nom de Jules Horowitz, physicien d’origine juive polonaise, progressiste, ayant fui toutes les persécutions de la période 1939-1945. Ludovic FiaschiContact Union locale CGT de Saint-Paul-lez-Durance. Patrick  : 04.92.72.14.04. manosque.cgt@wanadoo.fr