Publié le Vendredi 14 novembre 2014 à 08h00.

Calais : un « centre d’accueil » en trompe-l’œil

En août dernier, Bernard Cazeneuve exprimait son refus de « créer [..] un nouveau point de convergence des migrants » à Calais, précisant : « Je ne peux pas à la fois démanteler les filières d’immigration irrégulière et organiser les conditions pour que les trafics continuent. » Imparable logique dans le registre du « on ne veut pas de ces gens-là chez nous ».

Pourtant, lundi 3 novembre, en visite dans cette ville, il annonçait la création d’un centre d’« accueil de jour », bénéficiant d’un budget de plus 3 millions d’euros avec subvention de l’Union européenne. Pourquoi cette volte-face ? La réponse est dans les termes mêmes de la demande de la maire UMP. Évoquant la situation de sa ville « soumise à une pression intenable par la présence plus nombreuse que jamais des migrants sur notre sol, en plein centre », elle souhaitait « la création d’un centre éloigné des habitations des riverains » et indiquait que « ce centre ne pourrait être que sous la responsabilité de l’État (...) et devrait rester de dimensions raisonnables pour éviter toutes dérives »...C’est exactement ce qui vient d’être acté. De quoi fonder un certain nombre d’associations à observer dans un communiqué commun qu’il ne s’agit en fait que « d’éloigner migrantes et migrants du centre de la ville et de les assigner à l’invisibilité. Un ghetto en quelque sorte ». On ne saurait mieux dire.

Ciblage gouvernementalLe cap de la politique du gouvernement est maintenu, avec le renforcement d’un dispositif policier qui compte désormais 450 policiers et gendarmes pour 75 000 habitants et un peu plus de 2 000 migrants...Au niveau national, dans l’attente d’un projet de loi sur l’immigration dont il n’y a rien de bon à attendre, la toute dernière initiative du pouvoir est révélatrice : à la sauvette, à l’occasion de l’adoption de la loi sur le terrorisme par le Sénat, le gouvernement a glissé un amendement qui permet l’interdiction administrative d’entrée sur le territoire d’un ressortissant d’un pays de l’UE, ou de tout membre de sa famille, dont la  présence constituerait « une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ». Formulation des plus vagues dont des juristes ont déjà estimé qu’elle ouvrait par exemple la voie à des mesures contre les Roms accusés de « mendicité agressive ». Vous avez dit terrorisme ?Cette orientation est bien une politique racialiste dont sont aujourd’hui victimes au premier chef les Roms et les musulmans, figures emblématiques des classes dangereuses. Les réfugiéEs des pays en guerre et ultra-paupérisés sont des cibles elles aussi toutes désignées de cette guerre aux pauvres, nourrie par le fantasme du « choc des civilisations ». Nous devons démêler l’écheveau pour poser les bases d’une contre-offensive.

François Brun