Le ministère de l’Intérieur vient de présenter sa « circulaire sur l’admission au séjour ». Il n’est pas étonnant qu’il ait mis des mois à la rédiger. Car ce n’est rien moins que la quadrature du cercle que le gouvernement se proposait de résoudre : faire un petit geste d’ouverture humaniste, tout en prenant garde de ne pas titiller une « opinion » présupposée raciste en son fond, et de ne pas donner du grain à moudre à la droite ou à l’extrême-droite.En résulte une circulaire qui se réfère à « un esprit de responsabilité et d’apaisement », dans un exposé des motifs qui conclut : « En matière d’immigration, nous avons un cap. Il s’agit de retrouver la parole qui doit être celle de la France. Celle de la maîtrise des flux migratoires, sans laquelle il n’y a pas de politique d’immigration et d’intégration possible. Celle du respect tant du droit au séjour que de nos principes fondamentaux. Celle de l’humanité nécessaire dans la gestion des situations les plus difficiles. Celle de la fermeté indispensable à toute politique publique. En un mot, celle de la responsabilité ». Dans le déploiement de cette habituelle rhétorique de l’équilibre, la « fermeté » a tout de même droit à des caractères gras que ne mérite pas « l’humanité ».Politique du chiffreL’exposé des motifs est explicite sur l’objectif de la circulaire qui « n’a pas vocation à augmenter le nombre de personnes régularisées chaque année » (environ 30 000) et ne vise qu’à « définir des critères objectifs et transparents ». Plus modestement, Manuel Valls déclare au Monde qu’il s’agit de « guider les préfets dans leur pouvoir d’appréciation et de limiter les disparités ». L’arbitraire préfectoral semble encore avoir de beaux jours devant lui ! En dépit des dénégations, la politique du chiffre est ainsi maintenue dans les faits et assumée à travers la publicité ininterrompue sur les expulsions.Résultat des courses : des milliers de migrantEs continueront à être traquéEs, objets d’incessants contrôles au faciès, sous la constante menace d’une expulsion, avec désormais le passage (à défaut de garde à vue) par la case « retenue de 16 heures », incapables de faire valoir leurs droits les plus élémentaires, notamment au travail. Les employeurs continueront à bénéficier d’une main-d’œuvre surexploitable. Le cumul des exigences fermera la porte à la plupart des parents d’enfants scolarisés aussi bien qu’aux jeunes majeurs qui avaient cru pouvoir fonder quelque espoir dans cette circulaire. Tous ceux et celles qui espéraient être régularisés au titre du travail sont également loin de trouver leur compte dans des critères imposant de « démontrer la réalité et la durée de son activité professionnelle antérieure » à l’aide de bulletins de salaire. Les très nombreuses femmes employées au noir dans l’aide à la personne seront parmi les premières victimes des dispositions extrêmement contraignantes à cet égard de la circulaire.Vers un afflux de demandesPour autant, il conviendrait de se préparer à un afflux de demandes des sans-papiers, qui estimeront pouvoir bénéficier des quelques avancées concédées. Le précédent de 2006 laisse penser que celui-ci pourrait être d’importance. Dans la mesure où les préfectures n’ont prévu, pour assurer l’accueil (dont la qualité lamentable est largement due aux conditions de travail calamiteuses des fonctionnaires) que des heures supplémentaires et l’embauche de vacataires, les organisations de soutien risquent de se trouver rapidement submergées par l’accroissement du travail de sous-traitance dans le traitement des dossiers qui leur incombe déjà.Ce qui est sûr, c’est qu’entre extrême droite en embuscade, droite dont les grandes options paraissent une fois de plus validées par une « gauche » qui les parodie misérablement et gauche de la gauche largement justifiée dans sa défiance, le gouvernement ne risque pas de tirer grand profit de ses petits calculs.À nous désormais de construire, face à une orientation sociale-libérale condamnée à être déportée toujours plus à droite, les bases d’une alternative qui ne saurait être que résolument anticapitaliste. Commission antiracisme immigration
Crédit Photo
Faujour