Publié le Mercredi 9 novembre 2022 à 08h00.

Congrès du Rassemblement national : une extrême droite tournée vers la « conquête du pouvoir »

Avec l’élection de Jordan Bardella, sans surprise, à la présidence du Rassemblement national (RN), ce 18e congrès ne déchaîne pas un engouement massif en dehors du parti. Le slogan de Bardella, « on continue », n’annonce aucun changement majeur, pas même une petite fronde venue du Pas-de-Calais.

Pourtant, le passage de flamme à un autre qu’un Le Pen ouvre une nouvelle époque. « Nous avons quitté le temps des éclaireurs pour entrer dans l’ère des bâtisseurs […]. Nous savons que sauver la France, c’est sauver l’Europe » annonce Bardella avec une grandiloquence toute identitaire. Il est le nouveau président mais tout tourne autour de la prochaine candidate à la présidentielle, qui assume pleinement l’héritage du FN et compte le faire passer « de l’espoir au pouvoir ». C’est à cette période que doit coller le mouvement ouvrier, pour ne pas assister, passif, à une résistible ascension.

« Re-radicalisation » ?

Quinze jours avant, Marine Le Pen réagissait à un article de Valeurs actuelles lui prêtant des « propos fielleux et anonymes » à l’encontre du « clan Hénin-Beaumont ». Elle rappelle qu’elle a nommé Steeve Briois et Bruno Bilde au « bureau exécutif du parti, la plus haute instance ». Las ! Son successeur les éloigne. Mais le noyau dirigeant est peu renouvelé. Arrivent à la direction Gilles Pennelle, au FN depuis les années 1980, promu directeur général, et Julien Sanchez, maire de Beaucaire, au FN depuis 2000, en charge des élus. Nommé premier vice-président, Louis Aliot assure de sa fidélité et fait de l’implantation locale une « absolue nécessité ». Briois perd sa vice-présidence et boude « loin du parisianisme et de ces gens hors sol ».

En se plaignant des « positions droitardes », Briois n’entend pas les avertissements de Bardella aux zemmouriens qui se réjouiraient de sa promotion : « Nous nous écarterons […] des provocations toujours plus inutiles […] de ces nostalgies anachroniques qui font de leurs tenants la caricature que leurs adversaires veulent qu’ils soient ». Jordan Bardella suscite une certaine sympathie dans les extrêmes droites, surtout lorsqu’il flatte « un peuple capable de bâtir 1 000 centrales et 1 000 cathédrales ». Mais il n’est pas question d’absoudre les renégats, ni de singer un Éric Zemmour, occupé à se dépêtrer de sa piteuse récupération de la mort de Lola Daviet.

Si Briois s’alarme d’une « re-radicalisation », c’est pour éviter, vainement, que d’autres prennent sa place. Qualifiées un peu vite de fronde, ces tensions personnelles sont courantes dans un parti dont le fonctionnement n’a rien de démocratique. Le recentrage institutionnel autour du groupe parlementaire pourrait se faire au détriment de l’appareil militant. Mais il se fait surtout au détriment du maire d’Hénin-­Beaumont, dont la victoire était, jusque-là, un modèle d’implantation.

Une riposte à (re)construire

Avec 12 000 nouveaux cotisants à 20 euros, 36 000 adhérentEs auraient participé à plus de 70 % au vote. En 2018, le FN annonçait 27 000 réponses pour une consultation de 51  000 adhérentEs. En 2021, le RN revendiquait « 83 000 adhérents et sympathisants », réduits à un peu plus de 20 000, selon le Monde. L’érosion militante n’est pas stoppée. Mais Bardella galvanise les troupes, appelant à la discipline et l’exemplarité, pour « s’aguerrir », occuper le terrain culturel et faire « émerger les concepts de demain ». La nouvelle présidence rêve d’un parti de masse. Pour contrer ce renforcement à la base, les mobilisations antifascistes reste encore à (ré)inventer.

Le résultat étant déjà connu, la facho­sphère ne manifeste pas un vif intérêt. Certes Matteo Salvini de la Lega italienne salue les coopérations à venir entre les deux partis, Frédéric Chatillon se réjouit de « l’éclatante victoire » de son ancien gendre et Jean-Yves Le Gallou, qui s’était indigné de sa « soumission à une assesseur voilée » en juin 2021, le félicite pour sa « belle élection ». La Cocarde étudiante, dont l’actuel président est attaché parlementaire de Jean-Paul Garraud, salue la cooptation de son ancien secrétaire général et actuel attaché parlementaire de Bardella, à la tête de Génération nation. Mais une partie des extrêmes droites vaque ailleurs : qui à Callac pour s’opposer à l’accueil d’immigréEs, qui au colloque d’Academia Christiana pour choisir entre « sécession ou reconquête ».

C’est dans ce paysage des extrêmes droites, dont les dynamiques se nourrissent, même faites d’oppositions, qu’il faut analyser la nouvelle page tournée par Jordan Bardella et préparer l’offensive. L’état des discussions unitaires actuelles ne permet pas de prendre la mesure de ce tournant. Ce sera une de nos tâches urgentes pour la (re)construction d’une riposte aux extrêmes droites et leur monde.