Après avoir longtemps tergiversé, au grand dam de ceux et celles qui avaient la candeur d’attendre sinon une rupture, au moins une réelle inflexion de la politique migratoire, le gouvernement vient de « dévoiler » les deux projets de loi sur l’asile et l’immigration laissés par Manuel Valls sur le bureau de Bernard Cazeneuve. Sans surprise !
Côté asile, l’accent est mis sur l’accélération des procédures. On pourrait s’en réjouir, si ce n’est qu’il faudra veiller à ce que rapide ne signifie pas expéditif. Au compte des rares avancées, on peut certes noter le fait que tous les recours (y compris pour les procédures accélérées) seront désormais suspensifs. À celui des motifs d’inquiétude, il faudra mettre le cantonnement obligatoire des demandeurs dans les hébergements qui leur seront « proposés ». Quant à l’expulsion des déboutés, il est promis de la rendre plus effective, sans état d’âme ! Côté immigration, on relève d’abord la mesure attendue de création de titres de séjour pluriannuels. Le piège est gros car, faute d’accès de plein droit à la carte de 10 ans, ces titres risquent fort de constituer un barrage supplémentaire et de siphonner cette carte de 10 ans, celle à laquelle aspirent tous les migrantEs, au prétexte qu’avec une carte de 2 ou 4 ans, ils peuvent bien patienter encore un peu... Cela implique plus que jamais le soutien actif à la campagne de nombreuses associations « Rendez-nous la carte de résident ! ». D’autant que, sous couvert de « parcours d’intégration », est instaurée l’obligation de suivre assidûment des cours de français devant conduire à la compréhension de textes simples. Qu’est-ce à dire ?Et puis il y a cette innovation que représente l’interdiction de circuler sur une période de trois ans pour un ressortissant communautaire censé menacer l’ordre public ou soupçonné d’abus de droit. Les Roms, par exemple, comprendront vite ce que cela veut dire !
Ajustements, saupoudrage... et répressionEn revanche, la sélectivité en faveur des artistes, scientifiques, sportifs... est renforcée avec la création d’un « passeport talent », tout bonnement destinée à piquer aux concurrents les diplômés et investisseurs potentiels, dans la droite ligne de l’élitisme et de l’utilitarisme caractéristiques des politiques de « maîtrise des flux ». Il faudrait y regarder de plus près pour juger de tous les ajustements pervers, tels que le passage pour l’obtention d’une carte de salarié de la référence à un emploi de + ou – 12 mois à celle du CDD, ce qui élève la barre à 24 mois. Il y a bien le saupoudrage de mesures positives, telles que l’extension aux DOM-TOM du caractère suspensif des recours contre les Obligation de quitter le territoire français (OQTF). Pour autant, cela n’empêche pas la France de s’apprêter par exemple à signer avec les Comores un accord contre la circulation de tous les ComorienEs, au prix de combien de nouveaux morts en mer ? Le bilan est donc assez loin d’être positif, d’autant que la répression se maintient, pour ne pas dire qu’elle s’accentue, au quotidien, sur le terrain. Les mineurs et jeunes majeurs, régulièrement enfermés, en savent quelque chose. Mais en témoigne surtout de façon exemplaire le harcèlement constant dont sont notamment victimes à Calais les exilés de Syrie, d’Afghanistan ou d’Érythrée : plus de 500 dont les camps de fortune sont systématiquement démantelés à des fins d’expulsion. Mais que pouvait-on attendre d’autre d’un gouvernement qui apporte un soutien sans faille à un État pratiquant sans honte une politique d’apartheid et qui interdit des manifestations qui participent sans conteste du combat antiraciste ?
François Brun