Publié le Mardi 7 avril 2020 à 13h09.

Les migrantEs durement frappés par l'épidémie

Le coronavirus est un miroir grossissant des inégalités de nos sociétés. Ce sont les plus pauvres, les plus précaires et parmi eux les migrantEs, les réfugiéEs qui souffrent le plus. Leur sort est terrible dans ces pays nombreux où sont au pouvoir des régimes d’extrême droite ou de droite extrême, les gouvernants se servent de cette crise due au virus pour accentuer leur politique xénophobe et raciste, au Brésil, en Inde, aux États-Unis et en Europe, où l’Italie refuse par exemple aux bateaux chargés de migrantEs d’accoster sur ses côtes. La Turquie interdit le passage sur son territoire et les renvoie en Grèce qui n’en veut pas, et où des militants fascistes les agressent à l’arrivée. La Pologne, la Tchéquie, la Hongrie bloquent l’entrée des réfugiéEs, bafouant le droit d’asile. Orban désigne ouvertement les étrangerEs comme responsables de la maladie. Celui qui avait osé dire que « les migrants doivent être considérés comme des envahisseurs musulmans » en a profité pour suspendre les demandes d’asile en les accusant de propager la maladie. Des lois hongroises peuvent condamner les ONG qui aident les réfugiéEs au mépris du droit international. Orban, qui vient de s’octroyer les pleins pouvoirs en Hongrie, se moque tout à fait des arrêtés de la Cour européenne qui mettent hors-la-loi les pays qui ne respectent pas les droits à l’asile et à la solidarité.

Les associations se mobilisent

En France, nous n’en sommes certes pas là. Mais la situation de crise créée par le Covid-19 révèle l’insuffisance des moyens mis en place par l’État pour accueillir, héberger, soigner, scolariser les migrantEs : absence d’hébergement, froid, humidité, stress, fatigue, entassement  dans des camps, sous des tentes, dans la rue, dans des hébergements d’urgence inadaptés aux conditions sanitaires en temps normal et encore moins en temps de pandémie. Comment se confiner quand on est sur un bout de trottoir, sous une tente, dans un camp, dans des lieux dit d’hébergement d’urgence ignobles ?  Ces personnes souvent en mauvaise santé, doublement vulnérables, sont éloignées d’un point de santé, ont un accès difficile à l’eau potable, à des sanitaires dignes de ce nom, aux produits d’hygiène, aux protections, masque, savon, gel hydroalcoolique, gants ...

Quel sens a l’attestation ? Les sans-papiers ont peur de la police, ne sortent pas, ne peuvent pas se nourrir. Les services sociaux étant inaccessibles, les aides très rares n’arrivent plus. Les 75 euros mensuels auxquels ont droit les familles avec enfants par les départements ne sont pas versés ou en retard pour cause de renouvellement... Et quand ils sont versés, comment les toucher quand on n’a pas de compte bancaire ? Ils et elles le perçoivent d’ordinaire en espèces.

L’alimentation est le problème le plus criant. Les associations sont désorganisées, manquent de bénévoles. Et pour les personnes sans aucun revenu il est difficile de se déplacer loin, les femmes seules avec les enfants notamment, voir interdit puisqu’il ne faut pas dépasser le périmètre autorisé.

Des associations, des citoyens généreux solidaires et inventifs mettent en place des réseaux de récupération des invendus des restaurants, cantines, magasins. Ils et elles organisent des réseaux de distributions et de livraisons à certains points des villes. Sur le plan de la santé, des maraudes existent qui font de la sensibilisation, de la formation sur les barrières, sur la reconnaissance des symptômes, sur la maladie pour pouvoir et savoir qui contacter. Les associations ont un rôle de vigie pour alerter sur les situations, identifier les malades pour les orienter vers des hébergements médicalisés.

Mais il est bien évident que les associations ne pourront pas répondre à tous les besoins vitaux. L’État ne doit pas se défausser sur ces associations. Vingt-quatre d’entre elles dont l’Auberge des migrants et Médecins du Monde dénoncent l’insuffisance des moyens mis en place par l’État.

Pendant l’épidémie, la traque continue    

Dans certains cas, les personnes assignées à résidence se sont vu signifier l’obligation de continuer à venir signer au commissariat ou à la PAF (police des airs et des frontières).

La requête au Conseil d’État pour la fermeture des Centre de rétention administrative (CRA), à l’initiative du DAL, du GISTI, de la LDH, etc., a été rejetée. Donc, si certains CRA ont été fermés, d’autres restent ouverts, dans des conditions d’hygiène indignes. Au CRA de Oissel, les femmes de ménage ne travaillant plus, ce sont les retenus eux-mêmes qui font le nettoyage des locaux ; en l’absence de produits ménagers ils se débrouillent avec les shampoings ou les produits vaisselle. Les référents des associations habilitées à être dans les CRA (FTDA ou Cimade…) ne sont plus là non plus. Et les mesures sanitaires contre la contagion ne sont pas prises. Le 30 mars, des retenus du centre du Mesnil-Amelot ont entamé une grève de la faim pour exiger leur libération immédiate. Dans l’impossibilité de se rassembler devant le CRA pour les soutenir un appel a été lancé d’envoyer des mails aux adresses des préfectures, de les harceler afin qu’elles sachent que nous sommes au courant de ce qui se passe à l’intérieur et qu’on est toujours là.

Enfin, il est urgent que l’État décrète la régularisation de tous les sans-papiers. C’est une mesure essentielle, non seulement un acte de solidarité mais aussi de salubrité publique. À partir du 30 mars, le Portugal a annoncé la régularisation temporaire des immigréEs en attente de titres de séjour afin de les protéger du Covid 19. Une attestation justifiant la requête auprès du service de l’immigration leur permet immédiatement une prise en charge domiciliaire en cas de symptômes ou en cas de garde d’enfants, les écoles étant fermées, mais aussi de bénéficier des mesures de protection de l’emploi et du salaire. Certes, ce n’est que provisoire. Mais cela montre combien cette régularisation permet aussi d’endiguer l’épidémie.Des mesures d’urgence s’imposent- Régularisation de tous les sans papiers ; - Arrêt des procédures d’expulsion ; les OQTF, les assignations à résidence, ne doivent pas seulement être repoussées mais annulées ;- Disparition des camps de réfugiéEs avec relogement immédiat dans des lieux salubres, respectant la dignité des individus et leur sécurité sanitaire ;- Fermetures des centres de rétention ;- Réquisition des logements et des bâtiments vides afin de loger de façon digne les personnes actuellement sans abri ou mis dans des centres d’hébergement qui n’offrent aucune garantie de sécurité sanitaire. Droit à des conditions de vie décentes appliquées de toute urgence ;- Renforcer les maraudes médicales en mettant les moyens nécessaires pour informer, éduquer, dépister et soigner les plus démuniEs ;- Mise en place de points d’eau potable ;- Distribution à grande échelle, par les organismes d’État, les communes et les départements, de nourriture.