Si elle était cotée en bourse, elle ne vaudrait rien, la dignité. Parce que la dignité ça ne s'achète pas, ça se gagne. C'est pour ça que, sur la place de la République à Paris, au milieu d'un cercle, des migrantEs se sont mis à danser ce vendredi 6 novembre.
La raison semble dérisoire : des bâches et quelques tentes viennent d'être réinstallées. Mais c'était une victoire de la détermination, une victoire gagnée sur les autorités, sur l'humiliation et le harcèlement des derniers jours. Ils avaient fait appel au soutien et nous étions plusieurs centaines. Alors, malgré la vingtaine de cars de CRS prêts à intervenir, ils l'ont fait et le pouvoir a plié. Alors ils ont dansé.
La maison va brûler
Il n'y aura pas de demi-mesure entre l'accueil ou le racisme. Il n'y a pas qu'à Calais que l'extrême droite passe à l'action. Samedi 7 novembre, une quarantaine de membres des Identitaires ont investi un centre d'hébergement à Triel-sur-Seine (78) dans les Yvelines. A Nantes (44), des cocktails molotov ont été balancés dans un squat occupé par des réfugiés. Autour de la question des migrants, c'est toute l'évolution de notre société qui se joue. A Paris, ce même samedi, le cirque Romanès avait appelé à un rassemblement de solidarité contre les menaces de l'extrême droite.
Le pouvoir aura beau dénoncer - mollement - les fascistes, il leur ouvre la voie. A Triel, les migrants avaient décidé de lancer une grève de la faim ce même samedi autour des conditions d'hébergement mais surtout de leurs demandes de régularisation. L'Ofi (Office français de l'immigration) était certes passé... mais pour leur parler d'aide au retour dans leur pays. Et à Saint-Denis (93) ce lundi, un rassemblement se tenait devant un centre où une dizaine de migrants devaient être remis à la rue.
Lutter, ensemble
Ce qui a changé ces derniers mois, ce n'est pas la condition des migrantEs, c'est que cette condition est devenue visible quand ils et elles se sont rassemblés dans des lieux publics pour demander à être reconnus. A chaque fois, la première réponse du pouvoir a été la répression. Mais à chaque fois que cette visibilité a permis de cristalliser un soutien plus large, le pouvoir a dû reculer. Cela n'a pas changé sa logique politique d'ensemble, mais des milliers de places d'hébergement ont été, comme par miracle, ouvertes.
Les migrantEs qui ont découvert la réalité du « pays des droits de l'homme » ont aussi commencé à épeler l'alphabet de la lutte pour les droits. Et cet alphabet permet de commencer à l'écrire aussi dans les centres. C'est ainsi que des domiciliations immédiates ont été gagnées à Joinville ou Pernéty, ainsi que l'amélioration des conditions à Place de Clichy ou Triel.
MigrantEs pour touTEs !
Ce lundi 9 novembre, le DAL a démonté ses tentes à République. Après le rassemblement de vendredi dernier, les autorités ont entamé les négociations, et après trois mois de silence, celles-ci ont abouti en 2 jours ! Preuve, s'il fallait, que la solidarité avec les migrants ne se fait pas au détriment des autres sans-abri, mais leur bénéficie. Mais l'inverse est aussi vrai : le campement du DAL était une protection pour les migrants de la place de la République. et le faire partir la condition pour « régler » le cas des migrantEs. La seule leçon à en tirer : élargir la lutte.
Chaque collectif de sans-papiers, chaque centre d'hébergement de réfugiéEs, chaque campement qui naît, doivent devenir des bastions de lutte et de solidarité, de résistance au racisme, au fascisme, conditions pour gagner l'accueil des migrantEs et instruments pour lancer une reconquête de nos quartiers et de toute la société.
Beaucoup de choses sont en jeu. Mais aussi notre dignité.
Denis Godard