En s’ancrant dans la durée, la lutte des réfugiéEs et migrantEs s’est transformée en quelques jours en crise politique. Incapables d’avancer la moindre proposition susceptible de répondre aux exigences de la situation, gouvernement, préfecture et mairies ont fait le choix de la fuite en avant dans le répression.
Lors des négociations préparatoires à la manifestation parisienne de ce mardi 16 juin, le représentant du préfet a clairement indiqué qu’aucune manifestation, aucun rassemblement, qui prendrait pour objectif un lieu symbolique de pouvoir (ministère, préfecture ou mairie) ne serait toléré...Après l’évacuation manu militari du campement de la halle Pajol la semaine dernière (voir l’Anticapitaliste n°293) et un accueil de quelques jours dans le jardin de l’association « le bois Dormoy », à nouveau condamnéEs à retourner à la rue, les migrantEs décidaient, en accord avec les associations et organisations qui les soutiennent, d’organiser leur départ collectivement jeudi 11 juin. Une manifestation spontanée regroupant plusieurs centaines de participantEs a investi la caserne de sapeurs pompiers désaffectée de la rue de Château-Landon afin de s’y établir. Pour les migrantEs, l’objectif était d’investir un lieu collectif, abrité, qui leur permette de souffler et d’entreprendre les démarches administratives les autorisant à résider en France : 5 000 m² appartenant à la mairie de Paris et laissés vides depuis 10 ans en attente d’un appel d’offres lancé par la mairie pour transformer ce lieu... en pépinière d’entreprises ! Certes le lieu était loin de présenter toutes les qualités d’un hébergement prolongé, mais il pouvait être un relais vers une solution pérenne.Des solutions sont évidemment à la portée du gouvernement, au moment où une étude récente a démontré que l’État possédait 11 millions de mètres carrés vacants, dont une bonne partie à Paris. Une discussion s’engageait entre éluEs, migrantEs, et le directeur de cabinet d’Hidalgo, aboutissant à un nouveau marché de dupes : 110 personnes dispatchées dans 4 centres d’hébergement d’urgence pour quelques jours, uniquement ouverts la nuit, cela sans qu’aucun service de la mairie ne se déplace pour examiner leurs situations administratives visant à obtenir des papiers. Un nouveau campement précaire tente actuellement de s’organiser au jardin d’Éole (Paris 18e). Des commissions mixtes migrantEs-soutiens ont été mises en place (sécurité, logistique, juridique, trésorerie). Chaque jour, de nouveaux arrivants s’agrègent à un collectif déjà nombreux, et la situation sanitaire ne peut qu’empirer.
Qui instrumentalise qui ?Mais ce n’est pas cette situation dramatique qui soucie ce gouvernement. Dans une période où la question des migrantEs, des réfugiéEs sanitaires, politiques, de tous celles et ceux qui fuient les guerres et les répressions se pose, non seulement en Europe mais dans le monde entier, le gouvernement tient à faire preuve de fermeté envers les plus démuniEs. La prétendue impossibilité d’accueillir toute la misère du monde n’est qu’un mensonge visant à présenter le gouvernement comme rempart aussi efficace que la droite ou le Front national contre l’envahissement par tous les misérables... C’est là que réside la seule réelle instrumentalisation de la situation des migrantEs.De Lampedusa à Calais en passant par Paris, Vintimille et Nice, les gouvernements encouragent la xénophobie, le racisme. Une politique de fuite en avant qui ne peut se traduire que par une répression violente qui vise à la fois les migrantEs mais aussi leurs soutiens (voir le communiqué de presse du NPA page 10). En effet les mobilisations dans le 18e arrondissement montrent que les habitantEs des quartiers ne sont pas « naturellement » hostiles aux migrantEs.La mobilisation ne fait que commencer et les anticapitalistes continueront à y prendre toute leur place. Les illusions sur la volonté de trouver des solutions sans élever le rapport de forces sont en train de tomber. Une manifestation d’ampleur nationale doit être maintenant l’objectif que le mouvement doit se fixer. Avec les migrantEs, nous exigeons la régularisation immédiate de tous les réfugiéEs, l’ouverture de lieux collectifs auto-organisés, la libération immédiate des migrantEs détenus.De l’air, de l’air... Ouvrez les frontières !
Alain Pojolat et Robert Pelletier