Publié le Samedi 8 décembre 2012 à 22h50.

« M. Valls poursuit la politique orchestrée par ses prédécesseurs »

« M. Valls poursuit la politique orchestrée par ses prédécesseurs »Après la sortie de la circulaire du ministre de l’Intérieur Valls sur « l’admission au séjour », rencontre avec Simone Rivolier, présidente de la Fasti (Fédération des associations de solidarité avec les travailleurEs immigréEs)Qu’est ce que la Fasti, quand est-elle née et pourquoi lutte-t-elle ?Les premières Associations de solidarité avec les travailleurEs immigréEs (Asti) sont nées, au début des années 60, autour des luttes des immigréEs vivant alors dans les bidonvilles de la région parisienne. Les Asti créent en 1967 une fédération qui compte à sa naissance une soixantaine d’associations. Depuis sa création, la Fasti se bat pour les droits des personnes migrantes.Orienté au départ sur l’aide quotidienne, l’amélioration des conditions de vie et de travail des personnes immigrées (alphabétisation, logement, santé, droits des travailleurEs, résolution des tracasseries administratives…), le travail des Asti prend une nouvelle forme avec la fermeture des frontières en 1974, puis l’officialisation des pratiques de rétention et d’expulsion.Aujourd’hui, les militantEs des Asti organisent des permanences juridiques, des ateliers sociolinguistiques, des accueils pour les femmes victimes de double violence… Les Asti maintiennent un rapport de forces dans la lutte politique locale et nationale pour la liberté de circulation et d’installation, aux côtés des collectifs de personnes sans papiers, dans la lutte contre les expulsions, pour la fermeture de tous les lieux d’enfermement des étrangerEs, et pour l’annulation de la dette illégitime des pays du Sud.Comment analysez-vous les migrations ?La Fasti conçoit les migrations comme faisant partie intégrante de l’histoire humaine. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde interconnecté. Mais cette mutation s’est paradoxalement accompagnée d’un repli sur soi des pays du Nord qui ont fermé leurs frontières. Pour la Fasti, les politiques de contrôle et de répression des mouvements migratoires sont des non-sens humains, politiques, économiques et philosophiques. En Europe, le contrôle des migrations repose sur un empilement de dispositifs qui va du système des visas au contrôle renforcé aux frontières extérieures de l’espace Schengen. L’Europe a « externalisé » le contrôle de ses frontières et force, par des pressions économiques et politiques, les pays du Sud à endosser les habits de garde-frontière. Cette politique de dissuasion et de répression aux frontières extérieures a notamment eu comme conséquence le recours croissant à des routes migratoires « extralégales », bien souvent synonymes de mort. Ainsi, selon Fortress Europ, plus de 20 000 personnes sont décédées en Méditerranée depuis 1998…  Pour dénoncer cette politique meurtrière et liberticide qui dépasse le seul cadre du territoire français, la Fasti est, par exemple, entrée dans le Collectif européen Migreurop ou encore Boats4People.Que pensez-vous de la situation des migrantEs et des personnes issues de l’immigration aujourd’hui ?Si la Fasti lutte pour la liberté de circulation et d’installation pour toutes et tous, nous n’en oublions pas les immigréEs, leurs enfants et les personnes migrantes vivant déjà en France. Depuis le début des années 80, et la montée des idées racistes incarnées notamment par le Fhaine, la Fasti se bat pour que ces hommes et ces femmes aient leur place dans la société. Ainsi, nous luttons pour une véritable citoyenneté de résidence ou encore contre les violences policières.Ces dernières années, le racisme s’est drapé dans les habits de la « laïcité ». Pour la Fasti, le concept de laïcité a été dévoyé et n’est plus autre chose que de l’islamophobie. Les personnes de confession musulmane sont représentées par le pouvoir et les médias dominants comme non intégrables dans la « République ». Nous n’acceptons pas ces assignations essentialistes et cherchons à déconstruire cette pensée raciste en remettant à jour les véritables mécanismes de domination liés à l’appartenance à une classe, une « race », un genre et non à une quelconque religion ou à un quelconque quartier…Comment analysez-vous la politique du gouvernement ?La Fasti se faisait peu d’illusions sur les promesses de changement du candidat Hollande. Nous avons davantage l’impression que ce dernier est venu parachever le travail de sape néolibérale engagé par M. Sarkozy.Sur la thématique des migrations, nous ne sommes pas non plus surprisEs : M. Valls poursuit la politique répressive et restrictive orchestrée par ses prédécesseurs. Sa circulaire dite de « régularisation » est dans la droite ligne de son projet de loi sur la « retenue » pour vérification des titres de séjour. Seule une lutte inflexible et une information alternative sur la réalité des migrations, les effets liberticides des politiques de contrôle des frontières nous semblent en mesure de changer les rapports de forces pour construire un monde où liberté, égalité et fraternité ne sonneront plus creux. La Fasti cherche toujours des bénévoles et des nouveaux militantEs, n’hésitez pas à prendre contact avec nous.Propos recueillis par François Brun