Islam est venu manifester ce dimanche 4 octobre avec un cortège parti du lycée occupé dans le 19e arrondissement de Paris...
Il était le premier à prendre la parole sur la place de la République à l’arrivée : « Nous ne demandons rien d’extraordinaire, juste un toit et des papiers, pour pouvoir vivre simplement. Je ne vous dirai pas ma nationalité car je suis soudanais, je suis afghan, je suis tunisien, je suis érythréen, je suis du monde entier. » Ses propos ont été repris par les autres réfugiés qui lui ont succédé au micro. Les représentants de l’UNSP (Union nationale des sans-papiers) et de la CISPM (Coalition international des sans-papiers et migrants) ont affirmé l’unité de tous les migrantEs pour la liberté de circulation et d’installation.
Alors que la « crise migratoire » fait régulièrement les Unes, il n’y avait pas eu un mot pour cette manifestation de 3 500 personnes à la télé ou dans les journaux. Elle ne collait pas avec le récit dominant d’un supposé « accueil ». D’abord parce qu’on manifestait pour des solutions réelles, en premier lieu l’ouverture urgente des frontières. Ces uniques solutions pour mettre fin aux morts, aux campements, aux conditions indignes dans les centres sont celles que ne veulent justement pas évoquer, même à titre d’hypothèse, les gouvernements européens et les dirigeants des partis institutionnels.
Ensuite, parce que, dans cette manifestation, les migrantEs n’étaient pas des objets dont on parle mais qui ne parlent pas, qu’on trie, qu’on déplace, qu’on cache et que finalement on réprime. Ils étaient là, debout, en tête de manifestation, affirmant « J’y suis, j’y reste ! » Plusieurs centaines venus du lycée occupé, mais aussi de plusieurs centres d’hébergement du 13e, de Gennevilliers, de l’ancienne caserne de Reuilly, du centre Aurore de la place de Clichy... Et, avec eux les cortèges de collectifs de sans-papiers, CSP75, Intégration 21, PLUS, CSP93, CSP95, Droits Devant... Des migrantEs en lutte et une solidarité de combat, voilà ce qui effraie les autorités alors qu’un réfugié et trois soutiens passent au tribunal ce vendredi 9 octobre à Paris pour avoir soutenu en août des migrants en grève de la faim dans un centre d’hébergement.
Nos frères et sœurs de lutte
Et puis, plusieurs milliers étaient avec eux dans les cortèges des associations, syndicats et partis pour dire que les migrantEs sont nos frères et sœurs de lutte, qu’il s’agit de justice mais aussi de l’avenir de notre société. Une banderole de l’assemblée de quartier du 18e arrondissement proclamait que « les migrantEs sont des habitantEs de nos quartiers – Accueil = égalité des droits ». Dans son intervention en fin de manifestation, Olivier Besancenot a réaffirmé qu’il n’y a pas trop de migrantEs en France mais trop de racistes...
Certes cette manifestation n’est pas suffisante, mais elle montre qu’il existe une lutte et que celle-ci peut être menée, que des forces peuvent s’unir pour cela. Parce qu’il y a encore eu deux morts à Calais dans les jours qui ont précédé. Parce que des Soudanais ont été expulsés par la préfecture vers le pays qu’ils ont fui au péril de leur vie. Parce qu’il y a eu ces derniers jours encore des blessés et des expulséEs à Vintimille et Ceuta et Melila. Parce que la mairie de Paris a décidé d’expulser d’ici un mois le lycée occupé où se trouvent désormais plus de 600 réfugiéEs et sans-papiers. Parce que la colère monte dans les centres d’hébergement. Parce que Marine Le Pen pourrait gagner les élections dans le Nord aux régionales...
Dimanche, une brèche s’est ouverte. Notre avenir, c’est de l’élargir.
Denis Godard