Publié le Mercredi 20 juillet 2016 à 10h06.

Migrant-E-s : L’Europe forteresse est condamnée...

« Loin de se montrer solidaire, l’Union européenne s’est érigée en forteresse, au point de laisser à ses frontières des personnes en besoin patent de protection internationale. » Cette prise de position, publiée ce lundi 11 juillet, n’émane pas d’unE révolutionnaire mais porte la signature d’un ancien ministre de la Justice qui appartenait en son temps au RPR...

Il s’agit bien d’un avis du Défenseur des droits (DdD), poste actuellement occupé par Jacques Toubon. L’homme, s’il vient incontestablement de la droite, semble au moins prendre au sérieux ses fonctions.

L’objet principal de cet avis du DdD, avis adressé au Parlement, est l’accord conclu le 18 mars 2016 à Bruxelles entre l’Union européenne et la Turquie. Cet accord prévoit de renvoyer sur le territoire turc, depuis la Grèce – point d’arrivée sur le sol européen –, les migrantEs, y compris des réfugiéEs et demandeurEs d’asile venant de Syrie et d’autres pays marqués par des régimes tortionnaires et des guerres sanglantes. Cela sachant que la Turquie renvoie à son tour en Afghanistan, tire sur des SyrienNEs à la frontière, et envisage de conclure des accords de réadmission avec des régimes tels que ceux d’Iran, d’Irak et du Soudan. Le DdD, quant à lui, s’oppose à ce mécanisme infernal.

Suite à l’application du « deal » entre la Turquie et l’UE, le nombre d’arrivées sur le territoire grec a chuté de 1 740 par jour (en février 2016) à « moins d’une cinquantaine » selon le HCR, ou plus précisément « 47 » selon la Commission européenne. Mais à l’évidence, les réfugiéEs ne cessent pas de fuir pour autant. Simplement, ils empruntent des trajets plus dangereux, en partant à nouveau de la Libye vers les côtes italiennes, mais désormais aussi depuis l’Égypte plus éloignée.

En conséquence, 3 770 personnes sont mortes en Méditerranée (dans la mesure où leur sort est connu) sur l’année 2015. En 2016, elles étaient déjà 2 800 jusqu’à début juin, selon les chiffres du HCR.

La « route des Balkans » barricadée...

Autre conséquence de l’application de l’accord Bruxelles/Ankara : la Grèce a vidé les centres d’accueil situées sur ses îles de tous les migrantEs qui y étaient arrivés avant le 20 mars. Ceci parce que leur régime juridique a changé depuis cette date (les centres devenant des « hot-spots », en fait des gigantesques centres de rétention et de tri). 45 000 personnes ont ainsi été débarquées en deux jours seulement au port du Pirée près d’Athènes, puis répartis en bus aux quatre coins du pays. Bon nombre d’entre eux et elles végètent maintenant à plusieurs centaines dans des coins reculés du pays, par exemple à la frontière gréco-albanaise.

La « route des Balkans », empruntée à la fin de l’été 2015 par des centaines de milliers de migrantEs, a été largement barricadée par des pays riverains. Pour cette raison, c’est à nouveau la traversée dangereuse de la Méditerranée qui devient le principal trajet. Ainsi, la Hongrie a construit des clôtures avec des barbelés (essentiellement produits par des détenus dans ses prisons...) tout au long de ses frontières sud et sud-est. Son gouvernement de droite extrême conduit par Viktor Orban est par ailleurs en tête de la contestation de toute tentative de répartition des réfugiéEs à l’intérieur de l’UE, contestation à laquelle se sont joints d’autres pays de l’Europe de l’Est. Le 2 octobre prochain, Viktor Orban organisera un « référendum » pour demander à la population de soutenir sa position. Le résultat, dans un pays où la droite et l’extrême droite sont devenus quasiment hégémoniques, ne laisse malheureusement aucun doute...

Bertold du Ryon