La brutale évacuation des réfugiés africains dans le 18e arrondissement de Paris n’aurait sans doute dû être pour le gouvernement qu’une banale opération de police anti-étrangers, comme il y en est déjà tant, de Calais à Vintimille...
tance des évacués, avec le soutien de larges réseaux militants associatifs et politiques mais aussi l’expression d’une solidarité active des habitantEs du quartier, a créé une nouvelle configuration en obligeant les pouvoirs publics à lâcher du lest et à ouvrir de nouveaux centres d’hébergement.
Même s’il est difficile à ce stade d’évaluer la part d’enfumage dans une tactique visant surtout à bloquer toute auto-organisation concertée des réfugiés, c’est là, au strict plan humanitaire, un premier succès et il faudra bien que cet hébergement soit pérennisé car s’il y a une chose que les migrants n’aiment pas plus que quiconque, c’est qu’on se paye leur tête... Pour autant, il importe de ne pas perdre de vue le caractère systémique des politiques migratoires.
Dérive antisociale et répressive
Bien évidemment il y a les enjeux de politique intérieure française, d’abord dans un contexte de glis- sement vers la droite de la quasi- totalité des forces politiques. Face à une droite institutionnelle repre- nant presque textuellement la rhétorique traditionnelle d’une extrême droite qui, quelque visage qu’elle se donne, conserve dans son ADN son hérédité fasciste, la « gôche de gouvernement » emboîte gaillardement le pas à la politique que la droite menait lorsqu’elle était au pouvoir.
Le numéro incessant de comique troupier de Nicolas Sarkozy et ses saillies verbales (la « fuite d’eau »...) restent dès lors pain bénit pour le gouvernement et ses fidèles puisqu’elle leur permet de se dé- marquer à bon compte. Mais faute de respect des personnes dans leurs droits et dans leur chair, le pouvoir a beau se draper dans les oripeaux de la République, il est par exemple difficile de ne pas voir que la défense du droit du sol peut aussi servir d’alibi pour mieux chasser ceux qui n’en bénéficient pas ; ou encore que ce droit perd de son sens lorsqu’on multiplie les contrôles au faciès et autres formes de harcèlement à l’encontre de la part de la population française soumise à une véritable politique de la race...
Tout cela participe pleinement de la dérive antisociale et répressive d’un Manuel Valls, capable dans le même temps de faire cogner sur des réfugiés et d’imposer sans débat des mesures aussi glorieuses que le plafonnement des indem- nités prud’homales et qui semble interpeller la droite, extrême ou pas, en lui signifiant qu’elle n’a pas « le monopole de la rigueur ! »
Contre la domination coloniale, liberté de circulation et d’installation
Au niveau européen, cela craque de partout : de la partie de ping- pong de Vintimille entre Français et Italiens qui se renvoient des jours durant des centaines de migrants à la construction d’un mur aux frontières de la Hongrie, comme au plus beaux temps du rideau de fer, en passant par les succès électoraux des racistes danois ou les rodomontades antimigratoires d’un Cameron. Cela fait totalement système, en particulier quand on voit le refus des « institutions » de laisser le gouvernement grec appliquer la politique pour laquelle il a été élu (notre gouvernement étant bien placé pour jurer que cela ne se fait pas...). De même, les « traités de libre-échange » tout comme les « accords de partena- riat et d’échanges » profitent au business, mais les effets en sont catastrophiques pour les pays afri- cains qu’ils privent de ressources douanières tout en permettant d’inonder leurs marchés de nos produits.
Et à l’échelle de la planète, le refus insensé de prendre en compte les principes de libre circulation et d’installation va de pair avec la permanence d’une domination coloniale. Par la misère qu’elle apporte, les dictatures qu’elle conforte et les guerres qu’elle pro- voque, cette domination rend la reconnaissance du droit à quitter son pays pour celui de son choix encore plus indispensable.
Le combat contre les politiques migratoires des puissants s’ins- crit pleinement dans notre combat contre le système capitaliste.
François Brun