Depuis le 23 mars, plusieurs attaques et apparitions de l’extrême droite ont lieu dans le Quartier Latin à Paris. Tabassages et intimidations ne suffiront pas pour arrêter la mobilisation de la jeunesse.
Jeudi 23 mars, à Paris, une quinzaine de néonazis ont attaqué le cortège des étudiants de l’ENS Ulm-Assas qui se rendait en manifestation contre la réforme des retraites depuis la rue d’Ulm.
Les militants d’extrême droite, armés de parapluie et gants coqués, cagoulés ou portant des casques de motos, s’en sont pris aux quelques personnes du service d’ordre autogéré du cortège, en hurlant « Waffen Assas », le nom de leur groupuscule. En quelques secondes, avant que les manifestantEs se remobilisent et les chargent au rythme de chants antifascistes, ils avaient eu le temps de frapper quelques personnes et d’arracher la banderole de l’ENS.
Samedi 25 mars, ce sont des étudiantEs du campus de Cassin qui ont vu débarquer une quarantaine de néonazis, cette fois armés de barres de fer et de couteaux. Ces derniers ont pris en chasse les 13 étudiantEs qui bloquaient le campus et ont tabassé l’unE d’entre elleux qui n’a pas eu le temps de se réfugier dans un supermarché ou une pharmacie. C’était bien évidemment l’occasion pour eux d’empêcher les étudiantEs mobiliséEs de rameuter du monde en vue de la marche antiraciste qui se tenait peu après. Ils ont aussi tagué « Waffen Assas » sur les murs d’un des bâtiments bloqués.
Communiqué des établissements sous la pression des étudiantEs
Durant les derniers jours, les étudiantEs mobiliséEs de l’ENS, de l’ENSAD, de l’ESPCI et de Panthéon-Assas ont réussi à pousser leurs directions respectives à communiquer conjointement sur la question. Un bref communiqué qui a au moins le mérite de mentionner le droit de manifester des étudiants. On aurait souhaité y voir un peu plus de courage et notamment une condamnation ferme de l’utilisation du nom de l’université Panthéon-Assas à des fins ouvertement nazies. Waffen Assas, qui existe depuis 1968, est un sous-groupe du GUD (Groupe Union Défense), groupuscule néonazi ultraviolent qui a par ailleurs été créé dans les couloirs d’Assas.
La présidente de l’université Paris-1 a également rédigé un communiqué interne dans lequel le GUD est rapidement évoqué en une ligne : « Une agression d’étudiants mobilisés, revendiquée par le mouvement d’extrême droite GUD Paris, comme cela s’est produit aux abords du campus Port-Royal samedi 25 mars, est intolérable », mais totalement noyé sous la condamnation à répétition des actions de blocage des différents campus, avant de conclure sur l’importance du débat démocratique.
Mardi 28 mars au matin, quelques membres du GUD distribuaient carrément leurs tracts devant les portes de l’université Panthéon-Assas sans être dérangés. Dans la nuit du 28 au 29 mars, la salle des syndicats de l’ENS a été vandalisée et recouverte de tags antiféministes. Les bibliothèques queer et féministes ont aussi été saccagées et des ouvrages ont été volés.
Au sujet de toutes ces attaques, du côté du gouvernement, seul un tweet creux de la ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche a été aperçu.
Milice de l’ordre établi
Nous l’avons toujours su, nous l’avons toujours dit, mais nous le constatons une nouvelle fois : bien qu’ils s’en défendent, les groupes néonazis ne sont pas seulement les milices violentes de l’extrême droite, ils sont aussi les alliés objectifs du macronisme. Les heures les plus sombres de l’histoire européenne nous ont déjà enseigné que droite et extrême droite marchent main dans la main et n’hésitent pas à montrer leur alliance au grand jour quand le moment est venu. Brandissant la menace de l’extrême droite pour se faire élire (deux fois), Macron met en place et utilise de nombreux outils, personnes et méthodes qui n’ont rien à envier à celle-ci. Dans le contexte des attaques du Quartier Latin, on constate une fois de plus que les militants néonazis tiennent le rôle de la police, venant intimider et tabasser les étudiantEs qui bloquent ou qui tentent d’exercer leur droit de manifester. Tandis que les parlementaires du Front national feignent de s’opposer à la réforme des retraites – rappelons que ceux-ci défendent l’allongement du temps de cotisation – leur bras armé se charge de faire en sorte que le mouvement social s’essouffle, s’effrite, que les militantEs prennent peur, exactement de la même manière que le font les forces de l’ordre. Mais surtout, droite et extrême droite partagent un projet fondamentalement raciste et s’en servent pour fédérer. Le racisme est la base idéologique des actions des groupes d’extrême droite, et c’est aussi le racisme d’État qui leur permet d’agir en toute impunité et qui structure l’alliance des libéraux et de l’extrême droite. À la lumière de ce constat, il apparaît clairement que la seule bonne façon de mener la lutte des classes est de mener une lutte antiraciste.
Insondable mépris du pouvoir
Si le climat politique et économique se dégradait encore, on pourrait craindre que la bourgeoisie néolibérale, aujourd’hui macroniste, en vienne à soutenir un régime ouvertement fasciste pour maintenir son pouvoir sur le plus grand nombre. Pour l’heure, parmi les déclarations sur « les extrêmes » ou « les ultras », l’extrême droite n’est jamais explicitement citée : au contraire, les discours et les médias bourgeois se focalisent sur les blocages, les grèves, les manifestations qualifiés de violences, de prises d’otages à l’image de leur insondable mépris. Nous observons aujourd’hui un tournant dans la mobilisation, et aussi dans la visibilité des liens entre droite et extrême droite.
La version mise à jour de « Plutôt Hitler que le Front populaire » fait son grand retour au sein de la bourgeoisie. Plus que jamais, l’heure est à la mobilisation, à la grève, aux blocages. Nous savons pourquoi nous nous battons. Nous ne nous laisserons pas intimider.