Publié le Jeudi 30 novembre 2017 à 09h36.

“Racisme d’État” : Jean-Michel Blanquer à la tête d’une offensive réactionnaire

Le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer porte plainte contre le syndicat SUD-éducation 93 : une intolérable atteinte aux libertés syndicales et, au-delà, une tentative d’intimidation qui en dit long sur la conception très singulière que le gouvernement se fait de la liberté d’expression et de la lutte antiraciste.

«L’affaire » a commencé avec la dénonciation, par le « Printemps républicain », de l’organisation, par SUD-éducation 93, d’un stage intitulé « Au croisement des oppressions – Où en est-on de l’antiracisme à l’école ? », les 18 et 19 décembre. L’objet – initial – du scandale ? La tenue de deux ateliers réservés aux personnes faisant l’objet de discriminations racistes. Il n’en fallait pas plus pour qu’une polémique nationale s’enclenche, et pour qu’un stage syndical de quelques dizaines de personnes devienne selon certains une « menace pour la république »

Zéro pointé pour l’élève Blanquer

Blanquer a qualifié l’initiative de « réunion syndicale triant les membres sur la base de leur origine », et annoncé qu’il porterait plainte. L’objet de la plainte n’est pas l’organisation des ateliers en non-mixité : le ministre a en effet précisé qu’il irait en justice pour « diffamation », « puisque ce syndicat [SUD-éducation 93] a décidé de parler de racisme d’État ».

Autrement dit, Blanquer porte plainte contre l’usage « d’un concept utilisé et pensé par des chercheuses et chercheurs mais aussi par des dizaines de structures associatives, syndicales ou politiques », comme l’a rappelé Solidaires dans un communiqué. La culture scientifique du ministre laisse à désirer, sans même parler de sa culture juridique : il n’est pas possible de porter plainte pour diffamation contre une personne morale (entreprise, association, syndicat…).

Il s’agit en outre d’une atteinte manifeste aux libertés syndicales : pour citer à nouveau Solidaires, « il n’est pas question que l’extrême droite ou des ministères s’immiscent dans les contenus des formations syndicales ». Si Blanquer et ses amis veulent discuter des formations de Sud-éducation, nous ne pouvons que leur conseiller d’adhérer au syndicat… 

C’est l’antiracisme qui est visé

En réalité, c’est à l’ensemble du mouvement antiraciste que Blanquer et le gouvernement s’en prennent, et l’on ne s’étonne guère que les députés FN aient applaudi l’intervention du ministre à l’Assemblée. Le pouvoir entend-il réellement, par ces manœuvres d’intimidation, faire taire celles et ceux qui dénoncent le racisme pour ce qu’il est, c’est-à-dire un phénomène structurel, ancré dans les institutions, et pas seulement un problème de relations entre individus ? Que les choses soient claires : nous ne céderons pas aux pressions et nous continuerons de dénoncer et combattre le racisme dans toutes ses manifestations, y compris et notamment le racisme d’État. 

La remise en question de la possibilité, pour les personnes victimes d’oppressions et de discriminations, de se réunir entre elles, est quant à elle non seulement une atteinte aux libertés, mais aussi et surtout une négation des vertus, largement démontrées par l’histoire du mouvement féministe, des espaces en non-mixité, qui font partie des outils de prise de conscience et d’émancipation collective. N’en déplaise à certains calomniateurs, il ne s’agit pas de prôner la séparation permanente, mais bien de construire un rapport de forces contre les discriminations, comme le rappelle SUD-éducation : « la non-mixité choisie et temporaire est une stratégie de résistance politique à des dominations structurelles telles que le racisme ou le sexisme ».

Au côté de SUD-éducation… et des autres

Dans une parfaite inversion des rôles, ce sont celles et ceux qui luttent concrètement contre le racisme qui se retrouvent sur le banc des accusés, tandis que les racistes authentiques – et ceux qui, par leurs silences complices, les appuient – jouent le rôle de petits procureurs. Jean-Michel Blanquer tente-t-il de faire oublier qu’il appartient à un gouvernement qui organise la chasse aux migrantEs, refuse de régulariser les sans-­papiers, couvre les violences policières racistes dans les quartiers populaires et mène à l’étranger une politique néocoloniale digne de ses prédécesseurs ? 

Nous ne sommes pas dupes de cette offensive grossière et nous continuerons d’être au côté des antiracistes, contre les tartuffes qui instrumentalisent les questions de discriminations pour tenter de faire taire la critique et la contestation.  

Julien Salingue