Publié le Vendredi 14 octobre 2022 à 13h00.

Sans-papiers de RSI, DPD et Chronopost

Amplifier la grève et le rapport de forces pour gagner

Les travailleurs sans-papiers de RSI, DPD et Chronopost sont en grève depuis près d’un an. La solidarité, la grève et le soutien doivent s’intensifier pour gagner contre l’État qui continue de manœuvrer et de durcir le ton sous la pression de l’extrême droite.

Deux à trois manifs et rassemblements par semaine, devant les préfectures concernées, devant les ministères de l’Intérieur et du Travail, ou encore devant les sièges de DPD, de Chronopost, du groupe La Poste et du sous-traitant Derichebourg. La lutte des travailleurs sans papiers commencée à la fin de l’année 2021 se caractérise par sa longueur, mais aussi par le niveau d’activité déployé. Une telle ténacité, un tel courage sont un exemple pour le monde du travail, particulièrement dans cette période où les attaques anti-ouvrières se multiplient (assurance chômage, retraites…) sur fond de baisse importante du salaire réel.

Refus des employeurs de donner les attestations

Outre les difficultés intrinsèques à une grève dans laquelle les piquets sont permanents (jour et nuit pour deux d’entre eux), les grévistes doivent affronter un État qui a encore durci son positionnement par rapport aux années précédentes. Les Chronopost d’Alfortville, il y a trois ans, avaient gagné leur régularisation au bout de sept mois de lutte. La grève se mène actuellement dans trois sites de trois entreprises différentes, dont deux sont des filiales de La Poste. Le socle de la mobilisation est donc plus large, et la détermination des travailleurs n’est pas moins grande. Pour autant, les portes des préfectures sont restées la plupart du temps hermétiquement closes, et quand elles se sont entrouvertes, cela n’a rien changé sur le fond. Les préfets du 91, du 92 et du 94 s’en sont tenus à une position de stricte application de la circulaire Valls de 2012 : cinq ans de présence sur le territoire français et huit mois de travail sur les deux dernières années (ou 30 mois sur les cinq dernières années). De nombreux grévistes n’entrent pas dans les critères, et deux des trois employeurs (DPD et Chronopost, filiales de La Poste) refusent de fournir les Cerfa et attestations de concordance nécessaires à la régularisation.

Un énième projet de loi immigration

Le contexte politique est plus défavorable encore qu’en 2019. La pression de l’extrême droite se fait encore plus forte, en particulier depuis les dernières législatives. Le nouveau (énième !) projet de loi immigration annoncé en est une illustration : augmentation de la période validité des OQTF (obligation de quitter le territoire) qui passerait de un à trois ans, augmentation du nombre de places en CRA (centres de rétention administrative), levée des freins existants à l’application de la double peine1. Autant de dispositions qui ­renforcent l’arsenal du racisme d’État.

Darmanin : cynisme et manœuvres

Afin de vendre son projet de loi, Darmanin joue, le plus cyniquement du monde, la carte de l’opposition entre « délinquants » et « travailleurs sans-papiers qui veulent s’intégrer ». Il s’est engagé, à la suite d’une question de la députée PCF des Hauts-de-Seine Elsa Faucillon en commission des lois de l’Assemblée nationale, à la recevoir avec une délégation du « collectif » (sans plus de précision). Or le cadre de cette réunion s’est limité aux travailleurs ayant reçu des Cerfa et certificats de concordance (de RSI donc) sans qu’aucune indication de changement d’attitude sur les critères Valls ait été donnée.

Solidarité pour les 3 piquets

Il s’agit clairement d’une entreprise de division du ministre de l’Intérieur, doublée d’une manœuvre visant à lui donner du crédit, dans l’objectif de faire passer la pilule de son projet de loi. Mais personne n’est dupe. Une tribune, signée par un grand nombre d’éluEs et de représentantEs d’organisations syndicales, politiques (dont les trois porte-parole du NPA) et associatives, est parue dans l’Humanité2. Elle dénonce le projet de loi immigration tout en apportant son soutien à la lutte des trois piquets. Les grévistes ont en effet grandement besoin de la solidarité la plus large. Ils ont besoin que celle-ci s’ancre plus dans les entreprises, en premier lieu à La Poste. Sud PTT (avec Solidaires) est la seule organisation syndicale à participer à cette lutte et à la relayer dans le champ postal. Il ne fait pourtant aucun doute que des interventions unitaires dans les services, même à l’échelle locale, seraient un appui important.