Ce mercredi 21 mai, l’ambiance aseptisée et proprette de l’immense centre commercial Qwartz à Villeneuve-la-Garenne (92) a été percutée par l’irruption de la réalité sociale.
Sept travailleurs sans-papiers salariés de l’hypermarché Carrefour se sont installés devant l’entrée du magasin avec une banderole CGT pour la régularisation des sans-papiers. Ils étaient accompagnés par les délégués CGT du magasin et des militantEs de l’UL CGT de Gennevilliers-Villeneuve.
Payer deux cadres pour pouvoir travailler
En plus de subir la surexploitation commune à tous les travailleurEs sans-papiers, les 7 travailleurs étaient aussi victimes de traite des êtres humains et de racket.
Moyennant 2 500 euros, deux petits cadres du magasin — la responsabilité du directeur n’est pas encore établie — leur promettaient un CDI à 2 000 euros mensuels, l’achat d’une carte de séjour européenne restant à leur charge. Mais ces salariés ont eu droit à des CDD de 6 mois payés au minimum conventionnel, et à un racket continuel — des demandes de sommes supplémentaires à verser, ou des achats de cadeaux onéreux… — pour pouvoir continuer à travailler.
Lors d’un contrôle de routine, l’inspection du travail a pu demander des comptes à la direction Carrefour. Dès lors, ces salariés se sont organisés avec l’aide de la CGT et d’une avocate pour défendre leurs droits.
La direction plie
Carrefour a eu la réaction habituelle des patrons face à une demande de régularisation de la part de leurs salariés sans titre de séjour : le licenciement pour cause de présentation de papiers « pas authentiques », alors que à 99,99 %, les employeurs connaissent parfaitement la situation de ces salariés.
Ce cynisme patronal est vite devenu intenable pour Carrefour : dès le lendemain du licenciement, ils s’engageaient à payer l’indemnité forfaitaire de trois mois prévue par le code du travail sans retenir la faute grave pour papiers « pas authentiques ».
Après la mobilisation du 21 mai, ils se sont aussi engagés à fournir le « Cerfa de demande d’embauche » nécessaire pour la demande de titre de séjour, et à reprendre les salariés quand ils auraient obtenu ce titre. Persister dans le cynisme patronal était risqué pour Carrefour : la mobilisation pouvait s’étendre et nuire à leur image et aux chiffres de ventes… Déjà la campagne BDS a fait baisser les ventes dans de nombreux magasins, Carrefour ne pouvait courir le risque d’être inculpé d’« exécution en bande organisée de travail dissimulé » ou de « perception de fonds… pour l’emploi de travailleurs ».
D’autant plus que Carrefour avait mis en avant ce magasin dans sa com’ pour les livraisons au Village Olympique, et avait reçu la visite de Brigitte Macron pour célébrer les aménagements pour l’accès des personnes handicapées.
Régularisation, maintenant !
C’est donc une première victoire pour les 7 salariés. Il reste à transformer l’essai, et à obtenir des préfectures la délivrance de titres de séjour. Nous n’en avons pas fini avec Carrefour qui doit prendre ses responsabilités pour que ces salariés soient régularisés.
La mobilisation va continuer. Il faut forcer le sinistre Retailleau à régulariser ces salariés. Plus largement, la régularisation de tousTEs les sans-papiers est une urgence vitale pour tout le mouvement syndical.
Le risque que les pratiques mafieuses découvertes dans ce magasin s’étendent est bien réel. La contradiction entre la répression toujours plus forte et les appétits patronaux pour une main-d’œuvre docile et bon marché dans les secteurs non délocalisables ne peut que les multiplier. Déjà de nombreux patrons demandent aux sans-papiers d’aller chercher de fausses cartes pour les embaucher…
La revendication de régularisation des sans-papiers n’est pas qu’une exigence de dignité et de solidarité, c’est aussi une nécessité pour l’unité et la cohésion du camp des exploitéEs.
Correspondant