Le 27 octobre 2005, deux adolescents de Bobigny, rentrant chez eux après un entraînement de football, mouraient tragiquement, électrocutés dans un transformateur d’EDF cerné par la police.
Une première fois relaxés par le tribunal de Bobigny, et suite à la cassation annulant la décision, deux des policiers directement mis en cause se retrouvaient de nouveau sur le banc des accusés devant le tribunal correctionnel de Rennes chargé de réexaminer un dossier particulièrement sensible.Depuis 10 ans, les familles de Zyed Benna et Bouna Traoré attendent avec calme et retenue un geste, une parole de l’État, qui reconnaisse sa responsabilité dans la tragédie qui les accable. Le procès de Rennes n’en aura pas été l’occasion. Pas un seul regard en direction des familles de la part des deux policiers, aucune trace de compassion dans les plaidoiries de la défense ou celle du représentant du parquet.Ce déni de justice, ou de simple humanité, aura été une constance depuis le premier jour du drame. À commencer par les mensonges d’État proférés à l’époque par Sarkozy et Villepin qui avaient immédiatement affirmé que « les fuyards avaient tenté de cambrioler un chantier et qu’ils n’étaient pas poursuivis par les forces de l’ordre ». Et pour que les choses soient bien claires, dans une intervention préliminaire, le président du tribunal correctionnel de Rennes précisait que « ce procès n’est pas celui de la police, ni celui des émeutes de 2005 ». La messe était dite, et le reste des débats ne pouvait avoir pour objet que l’accusation de non-assistance en personne en danger, seul chef d’accusation visant les deux policiers poursuivis. Rien sur la responsabilité collective de la hiérarchie policière, rien sur le contexte général et l’antagonisme entre la police et la jeunesse qui allait pendant près de deux mois mettre en rébellion partout en France les quartiers populaires, et amener le pouvoir à établir un couvre-feu scélérat de 45 jours.
Pas de justice, pas de paix !Bien que décontextualisé et réduit à la mise en cause de deux fonctionnaires, ce procès aurait dû clairement établir la responsabilité des policiers. À elle seule, la phrase du policier Sébastien Gaillemin – « S’ils rentrent sur le site, je ne donne pas cher de leur peau » – est une preuve que la police a laissé sciemment mourir les deux adolescents. Les réquisitions du parquet réclamant une nouvelle fois un non-lieu, et la plaidoirie de l’avocat Billaud, agent tutélaire de l’État « saluant les policiers pour leur courage, et leur affirmant combien la République serait démunie sans sa police » ne laissent présager rien de positif à l’issue de ce dernier procès, dont le délibéré sera rendu le 18 mai.Le pouvoir ferait une lourde erreur en pensant qu’il suffit que le temps passe pour évacuer de la mémoire populaire des événements aussi importants que la mort de Zyed et Bouna, et les deux mois d’insurrection qui suivirent. Depuis 10 ans, l’antagonisme entre les flics et la jeunesse des quartiers populaires n’a fait que grandir, alimenté par une longue série de crimes et de brutalités policières, par une chasse systématique au faciès et une islamophobie galopante.Les raisons qui avaient poussé la jeunesse dans la rue il y a dix ans sont plus que jamais d’actualité. Le verdict qui sera prononcé le 18 mai à Rennes, s’il confirmait le non-lieu, sera interprété comme un véritable permis de tuer pour la police ! Dans la continuité de la mobilisation de la journée antiraciste et antifasciste du 21 mars, les militantEs du NPA engagés dans les collectifs antiracistes et contre les violences policières veilleront à ce que la riposte s’organise.
Alain Pojolat