Publié le Mercredi 24 mars 2021 à 09h28.

Occupations dans la culture: «Pas de réouverture sans droits sociaux pour toutes et tous»

Plus de trois semaines après le début du mouvement, parti du théâtre de l’Odéon, le nombre de lieux culturels occupés a connu une véritable explosion : 72 occupations alors que nous écrivons. Une vague puissante et rendue visible, notamment autour des performances de plusieurs artistes et syndicalistes à la cérémonie des Césars.

L’actrice Corinne Masiero, occupante du théâtre Sébastopol à Lille, a ainsi focalisé toutes les attaques sexistes et les procès en bon goût venus de la bourgeoisie réactionnaire. La ministre, ironie suprême, s’est lamentée publiquement de voir les travailleurEs de la Culture « piétiner leur outil de travail » ! La même qui met en œuvre une casse organisée et une précarisation de nos métiers… et qui devrait peut-être commencer par se préoccuper du respect des conditions sanitaires par elle-même et son entourage. Rappelons ici que les occupantEs savent mieux que quiconque, à commencer par le gouvernement, comment prendre soin de leurs outils de travail et de la santé de toutes et tous, car ils et elles le font au quotidien. 

Multiplication des occupations et des situations

Une des difficultés aujourd’hui rencontrées par le mouvement est le décalage de temporalité entre les premiers lieux à être entrés dans la lutte et ceux qui en sont à leur première semaine, voire leurs premiers jours. Les discussions y sont évidemment différentes, à la fois en termes d’organisation mais également sur l’appréciation de la situation. Une occupation longue crée le temps des discussions et des élaborations politiques, mais également celui d’une proximité et d’une fatigue physique et émotionnelle.

Les nécessités et les urgences ne sont pas les mêmes… et par ailleurs toutes les occupations ne se ressemblent pas ! Il y a nécessité pour ce mouvement d’avancer à plusieurs vitesses, en tirant vers une centralisation démocratique mais sans pour autant « aller trop vite », en laissant à celles et ceux qui rejoignent le mouvement le temps de la construction. 

Malgré les diversités des situations selon les villes, les occupations sont quasi partout consenties par les directions et parfois même impulsées ou organisées par elles en lien avec les mairies. Le rapport de forces traversant nos milieux et les tensions politiques existantes au sein de ce mouvement y sont parfois floues. Une situation par ailleurs à l’image d’une difficulté propre au milieu qui sous prétexte de « la grande famille du spectacle » a tendance à essayer de gommer et silencier les rapports de domination et d’exploitation. Un autre enjeu classique des dernières cérémonies des Césars d’ailleurs ! 

Au premier rang de ceux qui mènent cette politique du « rassemblement » derrière les directions d’établissement et le gouvernement : le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac). Leur initiative de mobilisation, un rassemblement appelé ce samedi, symboliquement devant le théâtre de la Colline (plutôt que l’Odéon), avait un titre qui laissait peu d’ambiguïté : « Pour une refondation de la politique culturelle : appel à un nouveau contrat républicain. » 

Occuper, à tout prix ? 

Les contradictions de ces situations, ainsi que les nombreuses contraintes d’occupation liées à la situation sanitaire, polarisent une attention énorme et un temps logistique considérable, y compris en termes de discussions. Concrètement, le risque que les occupantEs se retrouvent à une poignée à dormir sur place sans que cela puisse être lié à un enjeu d’ouverture du lieu en journée vers l’extérieur est présent. L’impératif d’élargissement de ce mouvement est-il toujours compatible avec le maintien d’une occupation qui n’est parfois que symbolique ? La question se pose dans un certain nombre de lieux. 

Pourtant le potentiel de ce mouvement et ses tâches sont aujourd’hui nombreuses et enthousiasmantes ! Il existe un véritable enjeu de consolidation, d’abord pour nous à la base : comment faire pour relayer ces revendications dans les secteurs culturels pour que le mouvement y devienne majoritaire ? Il existe par exemple aujourd’hui de nombreuses luttes isolées de précaires de la culture dans les bibliothèques et le secteur patrimonial. Elles ont évidemment toutes leur place au sein du mouvement. 

Occupons partout 

La revendication centrale du mouvement, autour du retrait de la réforme de l’assurance chômage, est au cœur de l’enjeu de l’élargissement. Il est d’ailleurs symptomatique de voir les rassemblements et parfois même les occupations d’agences Pôle emploi se développer ! Tout en portant des revendications propres au secteur culturel, la force du mouvement réside en effet dans l’enjeu du retrait de cette réforme. Toutes les intermittentEs du travail sont évidemment touchées par cette crise et le seront encore plus par cette réforme inique qui vise à réduire encore l’accès aux droits et le montant des indemnisations des plus précaires et pauvres !

Les vendredis de la colère

C’est le sens de l’appel lancé par le collectif constitué de dizaines de lieux d’occupation et d’interluttantEs à travers le pays : les « vendredis de la colère » contre la réforme de l’assurance chômage. Selon leurs propres mots : « Nous, occupantEs des lieux de culture, affirmons que notre lutte dépasse les revendications du secteur culturel et appelons à la mobilisation générale contre le projet de réforme de l’assurance chômage. » Ils et elles appellent ainsi à des journées d’actions et de mobilisations partout, où pourront converger l’ensemble des secteurs touchés par les licenciements et la crise… Il y a urgence à ce que l’ensemble du monde du travail se saisisse de cette date, et des suivantes. Contre ce gouvernement autoritaire, assassin, plus que jamais : il est temps de cultiver nos luttes !