Publié le Mercredi 7 mai 2025 à 10h46.

Le lit clos, de Sophie Brocas

Mialet-Barrault éditeur, 2025, 332 pages, 21 euros.

Le lit clos est un roman basé sur la grève historique des Penn Sardin, et son autrice est préfète. Deux bonnes raisons de lire cet ouvrage et de le faire connaître.

Préfète et romancière

Armé de ces « a priori, » j’attendais de Sophie Brocas un point de vue sur la place du préfet du Finistère dans la très célèbre grève des Penn Sardin, largement évoquée dans ces colonnes. De ce point de vue, j’ai été déçu. À aucun moment, l’autrice n’aborde cette question. Déçu parce que les différents récits de la grève, les rapports de police que l’on y rencontre, semblent attester d’un positionnement pour le moins contrasté de la part du préfet dans le conflit. Comme c’est également ce qui apparaît dans la relation de la grève des mineurs de Decazeville en 1886, je pensais qu’il y avait là un sujet possible, mais Sophie Brocas n’en parle pas. Dommage. Par ailleurs, le point de vue de l’autrice fait écho à des discours anticommunistes élémentaires laissant entendre que les grévistes ont été manipulées par celleux-ci. Dommage.

Une fiction

Le choix de l’autrice est celui de la fiction fondée sur une histoire vraie. Pari difficile mais, dans l’ensemble, on peut dire que cela fonctionne. Une réserve tout de même : la transformation des noms de personnages parfaitement identifiables, tel le maire de Douarnenez ou les dirigeantEs du Parti communiste, est une curiosité un peu bizarre et, pour tout dire, un peu agaçante. Malgré tout, l’autrice livre, dans la première partie du roman — la grève — un récit très fidèle à la réalité de la lutte des sardinières. Sur cette toile de fond, elle inscrit une histoire d’amour entre deux jeunes femmes très différentes — l’une, jeune femme catholique d’un milieu très éloigné de la culture ouvrière, représentative de nombre des sardinières de Douarnenez ; l’autre, émancipée, dirigeante spontanée de la lutte. Celle-ci, manifestement inspirée de la véritable Joséphine Pencalet, veuve d’un communiste, avec des enfants, revenant de Paris. Et elle chante ! Elle incarne donc, à bien des égards, une spécificité de l’histoire des Penn Sardin.

Dans la deuxième partie du livre, après la grève, les deux héroïnes suivent des parcours très différents. Et l’autrice nous livre en parallèle, via leurs journaux, leurs histoires respectives, poursuivant des idéaux de vie très éloignés, supposés incarner les rêves des jeunes femmes du début de 20e siècle. Elles sont, bien entendu, amenées à se croiser encore... 

Vincent Gibelin