Le 29 septembre 1964 sortait la première planche de Mafalda dans l’hebdomadaire « Esto Es » de Buenos Aires. Le 30 septembre 2020, Quino, le père de Mafalda, décédait à l’âge de 88 ans. Grâce à la fillette brune au nœud rouge dans les cheveux, délurée, progressiste, pacifiste, antipatriarcale et anticléricale, Joaquin Salvador Lavado Tejon dit Quino aura marqué des générations entières de contestataires et pas seulement en Argentine.
Àl’âge de 18 ans, Quino débarque à Buenos Aires, en provenance de sa province natale de Mendoza, avec une vocation : faire de l’humour et des bandes dessinées. Mais c’était les années 1950, et personne ne le publiait.
Des débuts difficiles
Des années difficiles, qui ne l’ont pas arrêté dans son travail. En 1954, il place une première bande dessinée et déclara plus tard que « le jour où j’ai publié ma première page, j’ai passé le moment le plus heureux de ma vie ». Ce n’était que le début d’un long combat pour représenter la réalité contre les injustices et les inégalités. Avec Mafalda et l’ironie à fleur de vignettes, il a créé la fille la plus critique d’une société patriarcale. Incisive, interrogatrice, réfléchie, mordante, Mafalda, fille d’une famille de classe moyenne, reflète les contradictions d’un monde plongé dans un tourbillon de guerre et combat par l’humour les politiques bellicistes des puissants, l’action de la police. Une approche micro et macro, politique et sociale à la fois. Rien n’échappe à la fillette avec son gang d’amis : Felipe, Manolito, Susanita et son petit frère Guille.
Un succès planétaire
Traduite en plus de 30 langues, Mafalda est un énorme succès international. Pourtant Quino, gagné par la lassitude du travail en série, refusa de poursuivre l’aventure dès 1974 et retourna à des œuvres sans personnage récurrent où les problèmes d’inégalités sociales, d’injustice, de corruption, de guerre et de préservation de l’environnement restent au centre des préoccupations de l’artiste qui se liera d’amitié avec Wolinsky et l’équipe de Charlie première période.
Quino fut l’invité d’honneur du festival d’Angoulème en 2014. Déjà malade, il ne put se déplacer pour inaugurer l’exposition qui lui était consacrée. Il répondit cependant par écrit à une interview.
Un politique très fin
Il déclara ainsi à propos de Mafalda : « Les questions qu’elle se pose sur la société parlent encore aux lecteurs d’aujourd’hui et sa vision reste d’une surprenante actualité et cela me surprend de voir que mes dessins réalisés il y a 40 ou 50 ans correspondent à des problématiques contemporaines. Ainsi, l’an dernier, des épisodes de Mafalda sont sortis en Italie, déclinés par thème, politique, économie... Et c’était incroyable comme mes dessins semblaient faire directement référence à la campagne de Berlusconi ! L’humour est universel. »
Et surtout immortel. En France, l’intégrale de Mafalda1 est souvent en rupture de stock mais continuellement rééditée. Quino, l’idéaliste, rêvait de changer le monde pour un avenir meilleur et pensait y contribuer modestement. Donnons-lui raison !
- 1. Chez Glénat, 696 pages inoubliables, pour 29 euros.