Publié le Vendredi 2 mai 2014 à 21h42.

Areva : « L’EPR nous a coûté un bras et ils veulent faire payer la facture à l’usine de La Hague »

L’usine de retraitement de déchets nucléaires Areva qui emploie 3 100 salariéEs à La Hague (Manche) était à l’arrêt mardi 22 avril à la suite d’une grève à l’appel de l’intersyndicale, contre des projets de sous-traitance de certaines activités du site. Environ 2 000 employéEs de sous-traitants (dont des filiales d’Areva) travaillent aussi sur ce site.

La direction s’est ridiculisée à minimiser cette grève pourtant suivie par 90 % des salariéEs ayant des horaires postés et accompagnée d’un piquet de grève d’environ 500 salariéEs rassemblés devant l’usine. Fort de cette mobilisation, l’équipe syndicale a d’ailleurs déposé un autre préavis de grève pour le mardi suivant. Les projets d’externalisation et de suppressions de postes se succédant, la sécurité des salariéEs et la sûreté des installations ne sont plus assurés de l’avis de l’équipe syndicale sur place.

Emploi et risque nucléaire Areva veut en effet externaliser des services, comme celui de l’environnement qui assure les prélèvements autour du site pour les faire analyser et qui s’occupe aussi de la gestion et de l’approvisionnement de produits chimiques. FO évoque une possibilité de sous-traitance dans le domaine des activités de conduite et de surveillance des installations nucléaires ou de transports internes de matières radioactives. C’est donc le cœur de l’activité du site qui est touché. Les grévistes redoutent des risques non négligeables en matière de sécurité des personnels et des installations, en particulier depuis que la cour d’appel de Paris a validé le 6 mars le projet d’Areva de sous-traiter la production d’énergie par une chaudière à bois pour cette même usine de La Hague, infirmant ainsi la décision prononcée en première instance. Le tribunal de Paris avait jugé que ce transfert était « de nature à compromettre la santé et la sécurité des travailleurs concernés ». La cour d’appel a estimé, elle, que ces risques « n’étaient pas démontrés ». Comme le dit si bien un représentant de la CGT sur place : « tout se passe comme si les exploitants ne tenaient aucun compte des enseignements de Fukushima ». Areva espère concrétiser ce projet en 2017. FO et la CGT ont annoncé qu’elles allaient se pourvoir en cassation. L’usine de la Hague a par ailleurs commencé en août 2013 à sous-traiter aux Pays-Bas une partie du nettoyage de son linge potentiellement contaminé, soit à terme 500 tonnes de linge par an. Pour autant, la partie n’est pas gagnée pour Areva et l’Ademe Basse-Normandie (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) qui la soutient dans ce projet. Si juridiquement, un obstacle est tombé, il lui reste à convaincre une opinion publique locale totalement opposée à ce projet, dans une union qui va de la CGT aux écologistes. Un projet qui imposera de faire venir du bois de Scandinavie par bateau jusqu’à Cherbourg, puis contraindra la population locale à supporter tous les jours la circulation de 25 semi-remorques transportant ce bois sur les routes de la Hague.

Les salariéEs et la population doivent payer pour Areva ?Cette grève tombe mal pour Areva qui vient de se faire épingler par l’Autorité de sûreté nucléaire dans son rapport de 2013 qui pointe des déchets anciens « mal conditionnés à l’époque des inspections ». Le coût des opérations, jugées « prioritaires », pour remédier à cette non-conformité est de 2,5 milliards d’euros. De plus « Areva est endetté parce que l’EPR nous a coûté un bras et ils veulent faire payer la facture à l’usine de La Hague » explique l’équipe syndicale à l’origine du mouvement. La construction de l’EPR (réacteur de 3e génération) en France à Flamanville (Manche) doit coûter 8,5 milliards d’euros, soit 5,7 milliards de plus que l’estimation initiale et trois fois plus cher que prévu selon EdF... La sous-traitance est donc la solution toute trouvée par Areva. Les salariéEs de sous-traitants intervenant dans la maintenance des centrales nucléaires sont ceux qui sont les plus exposés aux risques radiologiques et les moins suivis au niveau médical. En tant qu’anti-nucléaires solidaires des travailleurs, notre réflexion doit se porter sur cette question de la sous-traitance qui sera aussi l’un des enjeux de la loi de transition énergétique de l’automne. Autant pour la multiplication des risques d’irradiation pour les travailleurs intervenant sur les sites que pour l’ensemble de la population : transports, recyclage dans l’environnement quotidien d’éléments « faiblement » radioactifs...

Commission nationale écologie