Publié le Vendredi 27 mai 2011 à 14h46.

Ces terrorisants fanatiques de l’industrie nucléaire

Il a fallu attendre plus de deux mois pour que Tepco reconnaisse que le cœur de trois réacteurs avaient fondu à Fukushima.

À quelques jours de la visite à Fukushima d’« experts » de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Tepco a enfin reconnu, plus de deux mois après le début de la catastrophe nucléaire, ce que de nombreux « experts » internationaux ont compris depuis bien longtemps : les cœurs des réacteurs 1 à 3 ont fondu dès le 1er jour et le magma issu du combustible en fusion, appelé corium, a commencé à attaquer le béton et risque d’entraîner de nouvelles explosions d’hydrogène et surtout une dispersion des matières radio­actives dans le sous-sol puis l’océan.

Tepco a également reconnu que certains problèmes majeurs dans la centrale avaient été provoqués par le séisme et non par le tsunami, ou encore qu’il fallait prévoir de stocker 200 000 tonnes d’eau contaminée.La zone d’évacuation a été étendue à des villes au-delà du rayon de 30 km, les Américains recommandant depuis mars à leurs ressortissants, une évacuation dans un rayon de 80 km. Les Japonais évacués n’ont pas perçu à ce jour d’indemnisation de l’État ou de Tepco qui se renvoient la responsabilité. Ces indemnisations ont pour le moment été évaluées à 33 milliards d’euros.Tepco vient d’annoncer une perte annuelle de 11 milliards d’euros pour son dernier exercice et ce n’est que le début. C’est bien l’État et les Japonais qui vont supporter l’essentiel du coût de la catastrophe. Il serait grand temps de nationaliser Tepco mais également tous les fournisseurs d’énergie nucléaire à travers le monde qui ont privatisé les profits et qui en cas de catastrophe, nationaliseront les pertes. Le Japon a annoncé être « retombé en récession » au 1er trimestre.

Les conséquences économiques sont énormes mais le véritable drame est écologique et humain : incapable de gérer la nécessaire évacuation, le gouvernement japonais a décidé d’augmenter le seuil admissible de radiation, pour les adultes mais également les enfants, de 1 à 20 mSv par an, soit le seuil retenu avant la catastrophe pour les travailleurs du nucléaire qui se voient dorénavant fixer un seuil à 250 mSv. Il s’agit là de décisions criminelles : les enfants subissent, notamment à cause de leur croissance, beaucoup plus les radiations que les adultes. L’Agence de sûreté nucléaire japonaise vient également d’annoncer que 4 956 travailleurs avaient déjà été contaminés.

Les Japonais du nord-est du pays ont besoin d’une solidarité, à la fois morale, financière et matérielle.Il faut non seulement soutenir les mobilisations, exceptionnelles pour le Japon, contre le nucléaire mais également faire parvenir une aide financière et matérielle, notamment par l’envoi de dosimètres pour mesurer en toute indépendance la radioactivité.

En Europe et particulièrement en France, non seulement ce besoin urgent de solidarité n’est pas relayé par les médias, mais l’évolution de la situation elle-même est presque passée sous silence : le sport ou les faits divers ont souvent une place beaucoup plus importante que cette catastrophe qui concerne pourtant le monde entier. La France et le Royaume-Uni ont refusé une partie des tests de résistance proposés notamment par l’Allemagne, ne voulant pas prendre en compte les risques d’accidents d’avion, d’attaques terroristes ou informatiques.

Selon Angela Merkel, l’Allemagne serait sur le point de décider de sortir du nucléaire en dix ans, alors que le gouvernement français prétend continuer à construire de nouveaux réacteurs en France et à l’étranger et à investir dans le coûteux et illusoire projet ITER.

Comment cette industrie qui ne maîtrise pas ce qui se passe aujourd’hui à Fukushima peut-elle prétendre maîtriser ce qui arrivera demain au Japon et dans le reste du monde ?Elie Wiesel, Prix Nobel de la paix en 1986, a écrit : « Le fanatisme est aveugle, il rend sourd et aveugle. Le fanatique ne se pose pas de questions, il ne connaît pas le doute : il sait, il pense qu’il sait. »

Thomas CouderetteL’association Europe solidaire sans frontière récolte depuis la catastrophe des fonds pour les Japonais. Infos : www.europe-solidaire.org