Publié le Samedi 23 avril 2011 à 13h06.

Japon : crise nucléaire

Vous pensiez que l’évaluation de la gravité d’un accident nucléaire était rigoureusement scientifique ? Vous aviez tort ; c’est (aussi) une affaire éminemment politique. Ainsi, ce n’est qu’après les élections locales que le gouvernement japonais a reconnu que celui de Fukushima atteignait le niveau 7, le plus élevé. Tokyo a longtemps prétendu qu’il ne s’agissait que d’un accident de niveau 4, puis 5 (qui implique des rejets radioactifs « limités »). Malgré cette succession de mensonges, le parti gouvernemental a perdu les élections (mais la défaite aurait probablement été plus sévère encore si la vérité avait été dite avant). Il lui faut maintenant préparer la population à une crise nucléaire durable : il faudra, dit-on, de six à huit mois pour mettre à l’arrêt la centrale (quant au démantèlement des installations, nul ne sait ce qu’il en sera). Les autorités nucléaires françaises laissaient entendre depuis longtemps que l’accident de Fukushima était de niveau 6. Pourtant, au lieu de se réjouir de la franchise tardive de leurs homologues nippons, elles font la fine bouche. C’est que le niveau 7 évoque immanquablement Tchernobyl. Impossible dès lors d’affirmer que la « catastrophe » pourrait être évitée ; force est de reconnaître qu’elle est déjà là, et depuis le premier jour. Force est d’avouer qu’une catastrophe nucléaire peut se produire dans l’un des pays technologiquement les plus avancés du monde… L’aveu de Tokyo a été suivi d’une véritable offensive médiatique pour dire que l’on ne pouvait en rien comparer Fukushima à Tchernobyl, parce que la radioactivité libérée jusqu’à maintenant ne serait que de 10 % de ce qui s’était produit en 1986. Il est bien difficile de discuter pourcentage quand les chiffres officiellement fournis manquent à ce point de crédibilité. Il est urgent qu’au Japon des associations puissent effectuer des mesures indépendantes. Les réseaux antinucléaires internationaux devraient les aider à se doter du matériel nécessaire. Par bien des aspects, Fukushima est plus grave que Tchernobyl. Parce qu’il implique dans un même temps quatre réacteurs et non un seul. Parce qu’il dure beaucoup plus longtemps – et ne cesse de libérer de la radioactivité. Parce qu’il se produit 25 ans après, dans une centrale censée être bien mieux sécurisée – et au Japon, pas dans un État en crise comme l’était alors l’Ukraine soviétique. En mentant pendant un mois sur la gravité de l’accident, le gouvernement japonais a reporté des mesures de protection de la population et des travailleurs intervenant sur le site qu’il aurait fallu prendre en toute urgence. En noyant le poisson, les autorités nucléaires françaises et internationales tentent d’interdire tout réel débat sur la politique énergétique qu’elles imposent. Voilà le véritable problème. Le 3 avril, Kazuyoshi Sato s’est adressé à un rassemblement non loin de la centrale. « Je me suis engagé voilà 20 ans dans le Réseau de Fukushima pour la Dénucléarisation ; et nous voici aujourd’hui confrontés à une catastrophe nucléaire en cours. » Nous ne voulons pas avoir à tirer le même constat amer devant d’autres centrales, que ce soit en France, au Japon ou ailleurs. Il faut sortir du nucléaire. Maintenant

Pierre Rousset