Publié le Samedi 1 octobre 2011 à 11h53.

Japon : « Plus jamais de Fukushima »

Six mois après la catastrophe du 11 mars, l’opposition au nucléaire se renforce au Japon.

Le 19 septembre, avec pour mots d’ordre « Plus jamais de Fukushima » et « arrêt des centrales nucléaires », Tokyo a abrité la plus grande manifestation contre le nucléaire civil depuis la catastrophe du 11 mars avec, selon les organisateurs, plus de 60 000 participantEs, souvent venuEs en famille. Réunissant des intellectuels, des associations antinucléaires, des comités citoyens, des syndicats, des groupes d’extrême gauche, elle a commencé par un rassemblement au Meiji Park avant de partir en trois directions sillonner la capitale.

L’appel à cette journée de mobilisation – « Adieu au nucléaire » – a été lancé par huit personnalités, dont l’acteur Taro Yamamoto, le musicien Ryuichi Sakamoto, le journaliste Satoshi Kamata, l’auteure Keiko Ochiai et le prix Nobel de littérature Kenzaburo Oe. Lors du rassemblement, ce dernier a déclaré : « Certains disent qu’il est impossible de se passer d’énergie nucléaire, mais c’est un mensonge. L’énergie nucléaire est toujours accompagnée de destructions et de sacrifices » ; « Nous devons faire savoir aux dirigeants des principaux partis et au patronat japonais notre intention de résister. »

La présence à la manifestation de nombreux riverains de la centrale de Fukushima Daiichi, contraints d’évacuer leur domicile pour cause de radio­activité, avait une forte portée symbolique. Pour Kazuhiro Hashimoto, un employé médical, « si nous n’arrivons pas à sortir du nucléaire maintenant, nous n’arriverons jamais à construire un monde sans cette énergie ». « Il sera trop tard pour protester après le prochain accident nucléaire. Nous espérons que celui de Fukushima sera le dernier. »

« Six mois après, note Ruiko Muto, membre d’un groupe citoyen de Fukushima, nous y voyons plus clair. » « Nous savons maintenant que les faits ne nous ont pas été révélés, le gouvernement ne protège pas la population, l’accident est toujours en cours... mais il y a encore des gens qui promeuvent le nucléaire ». « Depuis le 11 mars, nous devons chaque jour prendre des décisions sur des questions comme faut-il évacuer, faut-il faire porter des masques aux enfants, faut-il faire sécher le linge dehors, faut-il labourer les champs ? »

Côté mouvement ouvrier, l’initiative de la manifestation fut prise par des syndicats proches du Parti social-démocrate, mais la fédération liée au Parti communiste, Zenrohren, et des mouvements d’extrême gauche étaient aussi très mobilisés, avec un contingent de plus de 5 000 militantEs.

« Nous n’avons pas besoin de centrales nucléaires ! », « L’entreprise TEPCO doit payer des compensations aux victimes » scandaient les manifestantEs. Les initiateurs de l’appel se donnent pour objectif de réunir 10 millions de signatures pour la sortie du nucléaire. L’opinion publique est en effet de plus en plus hostile à la poursuite de la politique énergétique antérieure. À un sondage effectué par le quotidien Mainichi Shimbun, 65 % des personnes interrogées (en dehors des zones sinistrées) se sont déclarées prêtes à une réduction de la consommation électrique pour se libérer de la dépendance à l’égard de l’atome.

Pour Satoe Sakai, venu d’Osaka, « C’est aujourd’hui que nous pouvons vraiment changer la politique nucléaire ; c’est le moment le plus favorable pour agir. »

Le gouvernement sent la pression. Il prévoyait, avant la catastrophe du 11 mars, d’augmenter la part du nucléaire dans la production d’électricité en la faisant passer des 30 % actuels à 50 % en 2030. Il doit y renoncer et promettre le développement des renouvelables. Mais il n’en pousse pas moins à la relance de réacteurs aujourd’hui à l’arrêt, veut maintenir sa politique d’exportation de l’atome et reste sous l’emprise du puissant lobby nucléocrate. Il n’y aura pas de sortie du nucléaire sans luttes et mobilisations.

Pierre Rousset