Alors que l’usine Lubrizol reprenait à peine son activité sur le site de Rouen, un terrible incendie a eu lieu à la raffinerie Total de Gonfreville-l’Orcher samedi 14 décembre 2019.
Si l’origine du feu de la raffinerie Total, comme celui de Lubrizol, reste à déterminer, nous pouvons observer des similitudes dans les discours patronaux. Concernant Lubrizol, le collectif unitaire a mis en évidence comment l’industriel et la préfecture avaient caché des informations essentiels en vue de « rassurer » la population, comme la présence de toitures amiantées, le stockage des produits Lubrizol chez Normandie Logistique dans des conditions de sécurité non satisfaisantes ou encore sur la dangerosité du nuage. Concernant l’incendie Total, le préfet garde le même discours sur la non-toxicité du nuage alors qu’il est scientifiquement démontré que les incendies d’hydrocarbure dégagent des composants cancérogènes dont des hydrocarbures polycycliques aromatiques reconnus cancérogènes par le Centre international de recherche sur le cancer.
Trois incidents en trois semaines
Autre similitude, le fait que Total taise les incidents à répétition sur le site, notamment lors du redémarrage après l’arrêt technique programmé de deux mois. Répéter en boucle à la presse que Total a dépensé 110 millions d’euros lors des travaux ne suffit pas pour convaincre que la sécurité est au rendez-vous.
Preuve en est, trois incidents majeurs ont eu lieu sur le site en trois semaines, dont une rupture de canalisation de pétrole brut, une fuite d’éthylène et un départ d’incendie.
Comment ne pas faire le lien entre ces incidents à répétition et les conditions de plus en plus drastiques des arrêts techniques, des arrêts de plus en plus courts, avec de plus en plus de sous-traitance et des contraintes de temps peu compatibles avec des travaux de qualité ? La chasse aux économies et la course aux profits se fait comme toujours au détriment de la sécurité des salariéEs et des populations.
La « transparence totale », vraiment ?
Lors de sa visite sur le site de Lubrizol le 30 septembre dernier, le Premier ministre Édouard Philippe a insisté sur un mot d’ordre : « la transparence totale ». Force est de constater qu’on est loin du compte concernant la reprise partielle d’activité de Lubrizol. Ainsi les éléments transmis au CODERST (conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques) ne sont pas publics, tandis que la direction de Lubrizol se refuse à informer les riverainEs des travaux réalisés sur le site, de la mise à jour de son évaluation du risque, de son plan de lutte contre l’incendie, des conditions d’enfutage et de stockage sur trois nouveaux sites sous-traités, de la publication sur son site de documents rendus obligatoires par la réglementation… Bref, une communication à minima qui n’est pas pour rassurer travailleurEs et riverainEs. Sans compter que le redémarrage d’une partie de l’activité se fait sans que l’on connaisse à ce jour la cause de l’incendie, et avant même le résultat de l’expertise pour risque grave votée par les représentantEs du personnel de Lubrizol.
Depuis l’incendie Lubrizol du 26 septembre 2019, plusieurs syndicats, CGT en tête, ne cessent de répéter que les industriels jouent de plus en plus avec la vie des salariéEs et des riverainEs, que des pans entiers de la réglementation ne sont pas respectés par les donneurs d’ordres en matière de sous-traitance et de formation notamment comme le confirme l’enquête du Club Maintenance de la CCI de Rouen.
Si les organisations syndicales portent des revendications essentielles comme l’interdiction de la sous-traitance dans les industries à risque, le retour des CHSCT avec des pouvoirs renforcés ou l’impunité zéro contre la délinquance en col blanc, il ne faut pas perdre de vue que le combat principal doit être d’interdire aux capitalistes de posséder des industries dangereuses comme la chimie, le pétrole ou encore la fabrication de médicaments.
Gérald Le Corre