Les 19 et 20 juin, le Réseau Sortir du nucléaire a tenu une assemblée générale extraordinaire sur fond de crise interne. Les débats ont beaucoup tourné autour du licenciement de Stéphane Lhomme, laissant de côté les questions d’orientation pour l’avenir. L’assemblée générale extraordinaire du Réseau Sortir du nucléaire (RSN), qui regroupe plus de 800 associations, s’est tenue dans un contexte de crise durable, les 19 et 20 juin. Crise morale, crise de confiance, crise stratégique, beaucoup d’éléments se mêlent pour expliquer cette situation. Si des divergences avaient déjà traversé le réseau, elles se sont accentuées depuis la signature de l’Ultimatum climatique, pétition très consensuelle adressée à Sarkozy en 2009 par plusieurs ONG, l’enjoignant à « prendre la tête du combat contre la crise climatique » à Copenhague, et qui faisait l’impasse sur le nucléaire. Stéphane Lhomme, à l’époque porte-parole de RSN, a critiqué avec virulence cette signature. La crise et les rapports personnels parmi les animateurs du réseau se sont alors envenimés, une grève de la plupart des salariés a été lancée en janvier en soutien au directeur Philippe Brousse qui souhaitait licencier Lhomme, contrairement à l’avis du conseil d’administration (CA). À l’assemblée générale (AG) de février, le CA a été débarqué et de nouveaux administrateurs ont été élus pour résoudre la crise. Mais le 8 avril, Stéphane Lhomme a finalement été licencié, puis le CA a porté plainte contre lui. L’AG de juin s’est donc ouverte dans ce contexte, la situation interne occupant l’essentiel des débats. Le CA, qui avait beaucoup travaillé sur les questions de restructuration, a été critiqué par une assemblée désireuse de traiter des « questions qui fâchent ». En apparence, deux clans s’opposent : les pro et les anti-Lhomme. Dans la réalité, beaucoup de militants veulent maintenir l’unité et recherchent une sortie de crise satisfaisant la majorité et permettant de faire renaître la confiance entre des camarades tous antinucléaires. Conscient du rapport de forces, le CA provisoire a lâché du lest sur plusieurs points (retrait de la signature de l’Ultimatum climatique et retrait de la plainte, mais qui reste suspendue à ce qu’en fera le procureur). Le licenciement de Stéphane Lhomme a donné lieu à de nombreuses discussions et à quatre votes. L’un d’eux, proposant sa réintégration à la condition qu’il se présente à un comité de médiation pour négocier son départ, a obtenu 49 % de votes favorables, et a donc été rejeté de justesse. Soulagement pour l’ancien CA et les salariés, tandis que pour la minorité soutenant cette réintégration conditionnelle, il s’agit d’un message clair à l’attention des administrateurs, confirmé par l’adoption avec 55 % seulement des voix du rapport moral du CA. La partie n’est donc pas jouée et la composition du nouveau CA, moins homogène que le précédent, permettra peut-être d’apaiser les tensions à la condition qu’il soit particulièrement à l’écoute des groupes locaux. Mais pour réussir sa refondation, RSN ne pourra faire l’impasse sur les questions de fond : que devient la charte, écrite il y a treize ans ? Quelle perspective de sortie du nucléaire défendre ? Quelles alliances nouer, avec quels mouvements sociaux et environnementaux ? Comment faire face à la privatisation du marché de l’énergie et à la précarité galopante parmi les travailleurs de l’énergie ? Comment situer la lutte antinucléaire dans le contexte de la crise climatique qui exige des politiques énergétiques radicalement alternatives ? Comment analyser les orientations énergétiques à l’échelle internationale entre relance du nucléaire et marchandisation des énergies renouvelables ? Ces questions et d’autres sont pour le moment en suspens, mais nul doute qu’un outil comme RSN demeure précieux par sa capacité de rassemblement et de mobilisation. Reste à voir si une sortie de crise et des pratiques démocratiques sont possibles afin de rassembler tous les antinucléaires dans le respect de chacunE. Vincent Gay et Clément Bruche