Publié le Vendredi 27 juin 2014 à 15h00.

Transition énergétique: un enfumage royal

Ségolène Royal, ministre de l’Écologie et du Développement durable, vient de présenter son plan pour « un nouveau modèle énergétique français ». Pour se faire une idée du projet de loi, on a le choix entre les interventions médiatiques de la ministre, les 70 pages du projet de loi final ou les 29 pages de la brochure du ministère. Problème n°1 : il n’y a pas concordance ! Problème n°2 : il n’y a aucune cohérence à un texte qui saute de la pollution de l’air à la croissance verte…

Ainsi, l’enfouissement des déchets radioactifs en grande profondeur (projet CIGEO à Bure) qui n’apparaissait pas dans les documents initiaux est entériné, par l’article 35, dans la version finale, contrairement aux  engagements de Royal. Puis, vendredi 20 juin, un communiqué de Denis Baupin, député EÉLV, annonce le retrait de l’article incriminé ! Qui croire ?

Victoire des nucléocratesConcernant la production d’électricité, les nucléocrates ont gagné sur toute la ligne : « La loi permet de diversifier les sources d’énergie pour porter la part du nucléaire à 50 % à l’horizon 2025 ». Comme si la loi jusqu’à présent interdisait de diversifier… « La capacité nucléaire est plafonnée à 63,2 GW » (la capacité actuelle !), donc EdF peut continuer à construire des centrales pour remplacer celles qui vont fermer. La fermeture de Fessenheim n’est pas mentionnée, ni bien sûr celles des autres centrales. Et on continue avec l’EPR de Flamanville. En gros, rien n’est inscrit dans la loi et surtout pas la durée de vie des centrales. On fait confiance à EdF, à son conseil d’administration, aux représentants de l’État. Comme l’a dit Royal, « fermer un réacteur ce n’est pas juste tourner un bouton ». Donc, on n’en ferme pas ! Pour résumer, on va donc augmenter la production totale d’électricité et la part du nucléaire va mécaniquement baisser... Ce n’est pas surprenant avec la promotion des voitures électriques.

Catalogue de mesurettesAu sujet de l’habitat, les nouvelles constructions seront à énergie positive « chaque fois que possible ». Le Conseil d’État déterminera les constructions qui feront l’objet de travaux d’isolation de façade ou de toiture « en l’absence de disproportion entre ses avantages et ses inconvénients ». Mais surtout le lobby bancaire a réussi à faire tuer le tiers-financement qui menaçait son monopole sur les prêts. Ce système aurait permis aux particuliers de rembourser aux collectivités locales les avances pour améliorer leur habitat avec les économies d’énergie réalisées. Pour les hydrocarbures non conventionnels, Royal croit en l’avènement de techniques propres d’extraction des gaz de schiste... Les objectifs fixés pour les déchets sont minables : diminution de 7 % en 10 ans des déchets ménagers et stabilisation des déchets d’activité économique ; limitation du transport des déchets « dans le respect des règles de concurrence et de libre circulation des marchandises. » Bien que toutes les études montrent que le bilan carbone des agrocarburants est négatif, la loi leur fixe un objectif d’incorporation et s’obstine à les appeler « biocarburants » au lieu de « nécrocarburants ». Loin des enjeux...Pour faire face à la crise climatique, il s’agit de contribuer à l’objectif européen d’une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. L’objectif sera précisé dans la loi : la stratégie bas-­carbone (qui remplace le plan climat) devra s’adapter aux « activités économiques soumises à la concurrence internationale et sur la croissance ». Royal, qui ne veut pas opposer les énergies, place le nucléaire sur le même plan que l’éolien ou le solaire. Nous ne nous attendions pas à voir surgir le service public de l’énergie d’un projet de loi PS, mais même le « Service public régional de l’efficacité énergétique » a été abandonné. Le plan de Royal n’est pas à la hauteur des enjeux. Il ménage les intérêts du lobby nucléaire et est donc incapable de proposer des mesures écologiques et sociales efficaces. La part trop belle faite aux financements privés s’oppose à la nécessité d’un grand service public de l’énergie. Y a bien Nicolas Hulot qui est content. Ça en dit long !

CorrespondantEs de la Commission nationale écologie