Le discours de l’économie officielle exalte l’actionnaire qui risque ses fonds en les apportant à une entreprise (en achetant des actions) et dont la rémunération (le dividende) dépend des performances de l’entreprise. Quand l’activité de celle-ci périclite, l’actionnaire devrait perdre de l’argent.
En fait, le capitalisme, du moins pour les grandes entreprises, ne fonctionne pas comme ça. Les dirigeants programment la distribution des dividendes et, pour satisfaire les gros actionnaires, fixent un montant largement déconnecté des résultats de l’entreprise. Ce sont les salariéEs qui, plus que jamais, font l’ajustement par la compression de la masse salariale. La crise que nous traversons depuis le début 2020 en est une nouvelle illustration.
Une étude de l’Observatoire des multinationales constate : « Alors que les groupes du CAC 40 continuent à bénéficier d’aides publiques massives, ils s’apprêtent à verser plus de 51 milliards d’euros à leurs actionnaires. Soit 22% de hausse par rapport à l’année passée, alors que le résultat net agrégé du CAC 40 s’est effondré de plus de 55% ». Ces 51 milliards d’euros se décomposent en 43,7 milliards de dividendes et 7,3 milliards de rachat d’actions.
Ce chiffre de 43,7 milliards est à peine inférieur au record historique des dividendes versés par le CAC 40, qui s’était établi à 49,2 milliards d’euros en 2019. Et pourtant, les bénéfices des groupes du CAC 40 ont plongé en 2020 (36,9 milliards ) par rapport à 2019 (- 55%). Comme l’écrit le rapport : « Cela signifie que les grands groupes français ont distribué aux actionnaires l’équivalent de 140% de leurs profits annuels. Autrement dit, ils ont reversé aux actionnaires 100% de leurs profits, et puisé dans leur trésorerie pour verser les 40% restants. »
Parmi les gros profiteurs des milliards d’euros de dividendes, on trouve d’abord le gestionnaire étatsunien d’actifs BlackRock (il gère de grandes masses d’argent – près de 8000 milliards de dollars au total – confiées par ses clients), qui a été consulté par Macron et son gouvernement sur les privatisations et la réforme des retraites. On trouve aussi les milliardaires français : Bernard Arnault, Vincent Bolloré et les familles Bettencourt et Pinault. Est également présent l’État, actionnaire de plusieurs grandes entreprises françaises à la gestion parfaitement capitaliste.
Tous les groupes du CAC 40 ont bénéficié, sans aucune contrepartie, des aides distribuées par le gouvernement. Le schéma classique continue de fonctionner : les multinationales touchent les aides… et l’essentiel se retrouve dans les poches des actionnaires. L’État dépense donc des centaines de milliards d’euros pour faire des plans de soutien de l’économie, qui sont en réalité pour une large part des plans de subvention aux actionnaires richissimes des plus grands groupes.