Publié le Vendredi 16 mai 2014 à 17h00.

Industrie : le déclin du capitalisme français ?

La vente-démantèlement d’Alstom n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Ces dernières années, de grands groupes industriels français ont été rachetés par des groupes étrangers : Pechiney par Alcan, Arcelor par Mittal, etc. Pour la première fois de son histoire, les entreprises qui composent le CAC 40 sont désormais contrôlées majoritairement par des investisseurs étrangers (41 % en 2010).

Si on définit la désindustrialisation comme le déclin de la part de l’emploi industriel dans l’emploi total, celle-ci est en marche depuis le milieu des années 1970, avec une accélération depuis 15 ans. L’industrie manufacturière (hors construction et énergie) représentait 24 % des emplois en 1974, 15 % en 2000, et à peine plus de 10 % aujourd’hui. Ce déclin global cache des réalités diverses : si des secteurs comme l’agro­alimentaire et l’aéronautique se maintiennent, la métallurgie, l’automobile, l’électronique chutent, et le textile s’effondre. Cette baisse à une série d’explications d’importances inégales et dont il difficile d’évaluer les poids respectifs tant dans le long terme que de façon plus immédiate, plus conjoncturelle.

Modification en profondeur des économies et organisations de la production Au fil des années, les gains de productivité ont été plus importants dans l’industrie que dans le tertiaire, et la demande a considérablement évolué au profit des services. L’évolution de la structure de l’appareil productif avec notamment les externalisations et la sous-traitance a modifié sensiblement les périmètres des grandes unités de production. L’économie française a des spécificités avec des secteurs comme la grande distribution, le tourisme ou les produits de luxe qui occupent une part importante de l’activité et du PIB, et où la rentabilité du capital est souvent meilleure que dans le secteur industriel.

Perte de compétitivité de l’industrie françaiseLe solde du commerce extérieur pour l’industrie est passé de + 10 milliards en 2000 à – 28 milliards en 2010. La part des exportations de biens de la France par rapport à celles de la zone euro est passée de 16 % en 2000 à 12,5 % aujourd’hui. Ce recul est en relation avec la baisse du taux de marge (c’est-à-dire de la part des profits dans la valeur ajoutée) dans l’industrie de près de 7 points au cours des années 2000, alors qu'il a plutôt augmenté ailleurs, notamment en Allemagne, « grâce » aux contre-réformes de Schröder. Cette baisse a contribué au maintien d’une faible rentabilité du capital et à un écart croissant avec les concurrents, qui explique la faiblesse des investissements et l’amplification de la désindustrialisation. Contrairement à un mythe véhiculé par les antilibéraux, l’investissement a augmenté plus vite que les profits au cours des années 2000. On ne peut donc pas imputer la faible croissance à un changement de comportement des capitalistes (qui auraient collectivement décidé de ne plus investir leurs profits), mais bien à la faiblesse de la rentabilité du capital. D’où les politiques d’austérité pour tenter de faire repartir l’accumulation du capital en redressant les taux de marge.

Privatisations et fin de toute politique industrielle d’ÉtatCelles-ci ont contribué à affaiblir les grands groupes industriels français tel Alstom issu de la privatisation, puis du découpage de l’ancienne Compagnie générale d’électricité. Plus généralement, la mise en place de la monnaie unique a tendu à aggraver les inégalités entre les secteurs ou pays les plus compétitifs. Faute de fédéralisme budgétaire, les pays les plus fragiles ont accumulé les déficits faute d’avoir baissé les salaires avant la crise.

Défense inconditionnelle de l’emploiContre la multiplication des fermetures de sites industriels, une solution s’impose dans l’intérêt des travailleurEs : l’expropriation sans indemnité ni rachat des actionnaires, la nationalisation à 100 %, et le contrôle des travailleurEs sur toutes les décisions. Cela signifie décider non seulement du temps et des conditions de travail, des rémunérations mais aussi faire les choix de ce que l’on produit aux regards des besoins sociaux démocratiquement déterminés dans le respect des contraintes environnementales. Aux réformistes qui défendent l’intervention de l’État au nom de la défense de l’intérêt général, nous opposons la dénonciation d’un État qui défend en matières économique et politique et policière les intérêts de la bourgeoisie. Les gouvernements Hollande, d’Ayrault à Valls, en font la démonstration chaque jour.

Gaston Lefranc et Robert Pelletier